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LE PIGEON BLEU
26 août 2008

Guerre dans le Caucase : les peuples paient toujours la note !

Ossetie_a

Pour mieux comprendre les causes d’un tel conflit, dont on ne peut que déplorer les nombreuses victimes civiles de part et d’autre, il est indispensable de mettre celui-ci en perspective historique et de préciser les enjeux géo-stratégiques qui le sous-tendent

Dans les années 1918-1921, les Ossètes demandaient déjà leur indépendance à la Géorgie. Le gouvernement géorgien de son côté accusait les Ossètes de collaboration avec les Bolchéviques. D'après les sources ossètes, le conflit fit plus de 5 000 morts directs, plus 13 000 indirects, suite à la famine et aux épidémies. En 1921, l’Armée rouge crée la République soviétique de Géorgie et par conséquent, l’Oblast autonome d'Ossétie du Sud en 1922. L’Ossétie du Nord est alors insérée dans la Fédération de Russie comme région autonome, car la chaîne du Caucase, très difficilement franchissable (des cols à plus de 2000 m) est un défi à toute administration commune. Depuis 1925, les Ossètes réclament l'unification. En 1991, après l’éclatement de l’U.R.S.S., l’état géorgien supprime par une prise de contrôle militaire, l'autonomie accordée aux Ossètes depuis 1922, provoquant l'exode d'une partie de la population vers la république autonome. En 1992 les nationalistes proclament l'indépendance de l'Ossétie du Sud en se basant sur les résultats d'un référendum, lequel n'a cependant pas été reconnu au niveau international. Depuis le retour d'un pouvoir nationaliste à Tbilissi en 2004, l'Ossétie du Sud est un enjeu politique pour le Président géorgien Mikhaïl SAAKACHVILI. La République d'Ossétie du Sud a tenu un deuxième référendum sur son indépendance le 12 novembre 2006 : Plus de 90 % des votants s'y sont prononcés pour l'indépendance. Le gouvernement géorgien, les Etats-Unis et l'Union Européenne considèrent ce référendum comme illégal, mais des troupes russes y stationnent depuis.

Un sinistre scénario

Dans la nuit du 7 août dernier, le Président de Géorgie, ordonnait d’attaquer militairement tous azimuts la capitale de l'Ossétie du Sud, Tskhinvali. Les bombardements aériens et les attaques au sol visaient surtout des cibles civiles. Le bilan est terrible pour les Ossètes : des milliers de civils tués *(principalement par les Géorgiens) et des infrastructures détruites induisant une dépendance encore plus grande envers la Géorgie et la Russie. Pendant environ seize heures, on a pu croire que les Russes ne réagiraient pas. Puis, le 8 en fin de journée, l'armée russe est entrée en jeu et la violence de sa réaction a surpris tous les observateurs. Ce n’était que le prétexte qu'attendait Moscou pour remettre au pas le bouillant Etat géorgien. Pourtant, avec ses capacités militaires limitées, et malgré l’achat récent et massif d’armes, la victoire géorgienne et la conquête de Tskhinvali étaient improbables dès le départ. Cette catastrophe humanitaire faisait donc partie intégrante d’un scénario cynique et calculé: si l’objectif avait été de rétablir le contrôle politique géorgien sur le gouvernement provincial, les modalités n’auraient-elles pas été très différentes, avec des forces spéciales occupant les principaux bâtiments publics, les réseaux de communication et les institutions provinciales, plutôt que des frappes tous azimuts sur des objectifs civils?

Le Président Géorgien, en grande difficulté sur le plan intérieur depuis les dernières élections contestées, y voyait d’abord une occasion de redorer son blason mais il est clair que des éléments extérieurs expliquent aussi cette hasardeuse offensive.

 

Des raisons géostratégiques

Qui pourra croire que le Président de Géorgie, Mikhaïl SAAKASHVILI, aurait pu prendre, sans en référer à ses parrains U.S., une initiative aussi grave que celle de déclencher une attaque militaire contre la République autonome d’Ossétie du Sud ?

Elle s’inscrit donc à l’évidence dans la volonté des U.S.A., par O.T.A.N. interposée, de " circonvenir " la Russie, en maintenant une pression sur différentes frontières, profitant de la complaisance de certains des gouvernements en place :

Qu’il s’agisse de la Pologne, avec la récente signature d’un accord pour la mise en place d’un bouclier anti-missile sur son territoire, où la rhétorique guerrière développée par le Président Polonais envers la Russie contredit totalement les propos lénifiants tenus par l’administration états-unienne.

Comme de l’instrumentalisation du Président de la Géorgie afin de tester la capacité de réaction de la Russie, dans cette région du Caucase où les enjeux énergétiques sont considérables, à commencer par les voies d’approvisionnement, trop dépendantes de la Russie aux yeux du camp occidental (U.E. comme U.S.A.).

Le premier enseignement à tirer de ces évènements est que l’O.T.A.N., loin d’être un facteur de stabilité, constitue au contraire une source de tension internationale, au bénéfice exclusif des intérêts géopolitiques de sa puissance tutélaire. Or, c’est dans ce bunker de la politique étrangère U.S. que le Président SARKOZY veut faire revenir la France, enterrant là définitivement ce qui restait de l’héritage gaulliste dans le domaine de la politique étrangère française.

Une autre leçon à tirer est que, malgré une campagne de promotion médiatique frôlant parfois le pathétique, l’intervention de Nicolas SARKOZY, Président en exercice de l’Union Européenne, n’a fait qu’illustrer l’incapacité de celle-ci de parler d’une voix cohérente et donc de peser réellement sur le plan diplomatique. Car le fameux " accord de cessez-le -feu" co-signé par la Géorgie et la Russie ne fait qu’entériner les positions sur le terrain avec une Russie en position de force puisque n’y figure aucune référence à l’intégrité territoriale de la Géorgie et qu’est consignée la présence des troupes russes dans la région, tant en Ossétie du Sud qu’en Abkhazie.

Avec ou sans le Traité de Lisbonne, les apôtres d'un empire libéral européen, entretiennent l’illusion de faire de l'U.E. un arbitre en Europe centrale, en affirmant leurs prérogatives d'action à l'intérieur même des frontières de l'ancienne Union Soviétique, quitte à court-circuiter les Nations-Unies dans des endroits où la Russie, sous mandat de l'O.N.U., joue un rôle depuis les années 1990. Mais l’U.E. intervient sous la houlette de l’O.T.A.N., ce qui constitue un aveu d’impuissance à déterminer une politique étrangère et de défense commune affranchie de la tutelle états-unienne et contribue à affaiblir encore plus l’O.N.U.. Nicolas SARKOZY et Angela MERKEL rappelaient d’ailleurs encore le 18 août que " la Géorgie doit entrer dans l’O.T.A.N. "

Moscou somme les Etats-Unis de " choisir "

" Saddam Hussein devait être pendu parce qu'il a détruit quelques villages chiites, mais les autorités géorgiennes doivent être défendues alors qu'elles ont rayé de la terre en une heure des dizaines de villages ossètes, qu'elles ont écrasé vieillards et enfants avec leurs chars et qu'elles ont brûlé vif les gens dans leurs maisons ", s'est emporté le Premier-ministre russe. Et, de fait, le chef de la diplomatie russe, Sergueï LAVROV, a déclaré le 13, que les Etats-Unis devraient choisir entre leur soutien à la direction géorgienne et un "  un partenariat réel concernant des questions nécessitant véritablement des actions collectives " avec la Russie.

D’un autre côté, BUSH a le culot de parler du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Géorgie, fait la " grosse voix " mais en excluant tout recours à la force mettant simplement en cause le partenariat " stratégique " avec la Russie, la belle affaire! Dans ce poker menteur, chacun roule des mécaniques pour la galerie, pour masquer ses visées géo-stratégiques tout en essayant d’avancer ses pions.

En effet, quelle crédibilité ont aujourd’hui tant les U.S.A. que l’U.E. après leur attitude sur l’affaire du Kosovo et quand l’administration Bush ne cesse de couvrir les violations répétées d’Israël des résolutions de l’O.N.U. et des traités signés en matière de colonisation et de respect des droits du peuple palestinien ? Sans parler des menées sécessionnistes financées par les U.S.A. en Bolivie. Le comble étant de voir aujourd’hui les U.S.A., l’O.T.A.N. et les pays à la remorque des U.S.A. défendre en Géorgie le légat stalinien, puisque c’est Staline, lui-même, qui en 1922, avait imposé la partition de l’Ossétie.

Les dangers sont lourds pour la paix mondiale à laisser perdurer de telles situations dont les peuples sont avant tout les victimes expiatoires et chacun pourra mesurer dans cette affaire combien la politique du " deux poids, deux mesures " et l’unilatéralisme achèvent de ruiner ce qui pouvait subsister du droit international. Les questions multiples posées par la souveraineté des peuples ne peuvent trouver de réponse que dans un cadre multilatéral de négociations qui impose à chacun le respect de règles communes et le refus du recours à la force pour la résolution des conflits. Seule l’intervention des peuples pourra barrer la route à la soif de toute puissance impérialiste et à la loi de la jungle.

  • (AP, 9 août ). Et environ 34.000 civils d’Ossétie du Sud se seraient enfuis vers la Russie. (Desert Morning News, Salt Lake City, 10 août )
  • Emmanuelle GAZIELLO- Pedro DA NOBREGA

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