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LE PIGEON BLEU
10 juin 2010

Brésil : la droite a enfin trouvé son candidat

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Brésil : la droite a enfin trouvé son candidat

par Osvaldo Bertolino – 29 de maio 2010

La question, interrogea Alice, est de savoir si vous pouvez

faire dire aux mots autant de choses différentes?.

La question, lui répondit Humpty Dumpty, est de savoir qui commande.

C’est tout !

Lewis Carrol, “Alice au Pays des Merveilles” (chap.6).

Après le Mercosur, la nouvelle cible de Serra (candidat pressenti pour représenter la droite aux prochaines élections présidentielles, ndt) est la Bolivie. Hélas pour le pré-candidat “tucano” (nom donné aux représentants du principal parti de droite le PDSB, ndt) et heureusement pour le Brésil et le monde, l’ère Bush s’est achevée. Un des ses assistants disposant d’un minimum de lucidité et d’information devrait peut-être l’avertir des changements en cours dans le monde. Mais si l’ex-gouverneur de São-Paulo a fait le choix d’adopter intégralement l’agenda de la droite au Brésil, en Amérique Latine et aux États-Unis, il semble logique qu’il lutte pour la restauration de l’ordre ancien. Il est donc licite d’affirmer que la droite a, enfin, trouvé un candidat à la Présidence du Brésil.

Editorial – Carta Maior

Les déclarations de l’ex-gouverneur de São-Paulo et pré-candidat du PSDB à la Présidence de la République, José Serra, accusant le gouvernement bolivien d’être le “complice des trafiquants”, outre qu’elles soient légères et irresponsables, pourraient se retourner contre leur propre auteur. Suivant la logique du raisonnement de Serra, l’exportation de cocaïne au départ de la Bolivie serait impossible sans la connivence et/ou la participation des autorités de ce pays. S’il en est ainsi, il serait tout aussi fondé d’affirmer que Serra est complice du PCC (Primeiro Comando da Capital) – principal gang de São-Paulo, ndt-, de la violence e du trafic de drogues à São Paulo. “Pensez-vous que toute la violence et le trafic de drogues à São-Paulo seraient possibles sans la complicité du gouvernement de l’État de São-Paulo ?” – pourrait s’interroger quiconque, en paraphrasant Serra.

Dans le même ordre d’idées, il convient aussi de rappeler les déclarations du trafiquant colombien Juan Carlos Ramirez Abadia, arrêté en 2007 au Brésil, qui, dans une déposition devant la Justice Fédérale de São-Paulo, a déclaré: “Pour en finir avec le trafic de drogues à São-Paulo, il suffirait de dissoudre le Denarc (Departamento Estadual de Investigações sobre Narcóticos- Brigade des stupéfiants de l’État de São-Paulo, ndt)”. Les dénonciations d’un trafiquant valent ce qu’elles valent. Mais elles ont cependant dans ce cas suscité assez d’intérêt chez la Justice Fédérale pour qu’elle diligente une enquête sur les éventuelles liaisons entre le trafic de drogues et la corruption policière, hypothèse qui ne semble pas faire partie du paysage de Serra. Le pré-candidat a pourtant été gouverneur de l’État de São Paulo, mais il affirme ne rien à voir avec ça. La faute à la Bolivie.

L'apparente folie du pré-candidat du PSDB n’est néanmoins pas dénuée de méthode. Le fait d’avoir repris des accusations légères contre le gouvernement d’un pays voisin – et aussi ami – du Brésil montre que Serra croit pouvoir gagner des voix par ce biais. Il s’agit là d’un comportement qui révèle des traits intéressants de la personnalité du pré-candidat et de la stratégie de sa candidature. En premier lieu, il dénote une curieuse sélectivité géographique : dans sa diatribe contre les gouvernements latino-américains, Serra a omis d’accuser la Colombie comme “complice du narcotrafic”. Omission qui, en réalité, ne fait que souligner encore plus la légèreté de cette stratégie. Il s’agit, tout simplement, de s’en prendre aux gouvernements considérés “amis” du gouvernement brésilien.

Secundo, il témoigne de la posture irresponsable du pré-candidat, en prenant cette parole dans son sens littéral, c’est-à-dire celui qui ne répond pas de ses actes. Avant de pointer un doigt accusateur vers le gouvernement d’un pays voisin, Serra devrait visiter quelques rues du centre ancien de São-Paulo qui ont été investies par les trafiquants et les consommateurs de drogues. Serra a-t-il déjà entendu parler de “Cracolândia” ? (surnom donné à l’un des centres du trafic dans la ville de São-Paulo, ndt) – Avec l’administration Kassab (son successeur du même parti à la tête de la mairie de São-Paulo, ndt), un gouvernement ami comme il se plaît à le dire, a-t-il entrepris quelque action pour résoudre le problème ? Imaginez, M. Serra, 200 personnes sous l’effet du crack vociférant sous vos fenêtres tout au long d’une nuit interminable… Surréaliste ? À Cracolância c’est normal. Voilà ce qui se passe dans votre ville, non pas en Bolivie. Cela se déroule dans la capitale de l’État où vous avez été élu pour gouverner et travailler à la résolution, entre autres, de ce type de problèmes (Serra a du démissionner en 2010 de son poste de gouverneur afin de pouvoir, selon la loi brésilienne, se porter candidat à la Présidentielle, ndt). Il est tellement plus aisé, bien sûr, d’accuser un autre pays pour ce problème, encore plus si ce pays est gouverné par un indien.

Car ici se manifeste la troisième et la plus perverse des caractéristiques de la stratégie de Serra: un racisme mal dissimulé. Celui qui opte pour la stratégie où tous les moyens sont bons pour gagner une voix, n’hésite pas à faire usage de toute sorte de préjugés présents dans notre société. Accuser le gouvernement d’Evo Morales d’être le complice du narcotrafic, outre le fait d’ignorer criminellement tous les efforts déployés actuellement par le gouvernement bolivien pour combattre ce trafic, c’est s’appuyer sur la force du préjugé contre Evo Morales, qui s’est déjà manifesté à plusieurs reprises dans les média brésiliens lors des différents relatifs au gaz naturel bolivien. En pariant sur cet imaginaire pervers, accuser un indien bolivien d’être le complice du trafic de drogues est assurément plus “porteur” que d’accuser un blanc de la classe moyenne qui porte avantageusement de belles cravates. Quelqu’un comme Álvaro Uribe, par exemple…

Enfin, et ce n’est pas l’aspect le moins négligeable de cette stratégie, les déclarations du pré-candidat “tucano” illustrent un recul gigantesque sans précédent dans la politique étrangère brésilienne, s’il venait à être élu Président de la République. Nous voyons bien, dans ce point précis, à quel point la folie « tucana » n’est pas dépourvue de méthode. Il n’est pas du tout fortuit que ces déclarations interviennent au moment précis où le Brésil s’affirme comme un acteur de poids sur la scène politique internationale, défendant la voie du dialogue et de la négociation plutôt que celle des armes, des destructions et de la mort. Ainsi que le remarque José Luís Fiori dans un article publié dans nos colonnes (article écrit au sujet de l’accord avec la Turquie et l’Iran, ndt) :

« Le message est clair : le Brésil entend représenter une puissance mondiale et peser de tout son poids afin de contribuer à façonner le monde, au-delà de ses frontières. L’aboutissement de cet accord constitue l’affirmation d’une nouvelle position d’autonomie du Brésil, par rapport aux États-Unis, la Grande-Bretagne et la France (…) Le journal ” O Globo” est celui qui avait vu juste en prévoyant – en toute lucidité – la veille de l’Accord, que le succès de la médiation du Président Lula auprès de l’Iran installerait définitivement le Brésil sur la scène mondiale. C’est en effet ce qui s’est passé, marquant une rupture définitive par rapport à la politique extérieure du gouvernement de FHC (Fernando Henrique Cardoso, prédécesseur de droite de Lula, ndt), qui aura été aussi spectatrice que limitée dans son champ d’action, soumise qu’elle était aux avis et décisions stratégiques des grandes puissances. »

Les dernières lignes de l’article de Fiori résument ce qui se cache derrière la stratégie de Serra lorsqu’il taxe le Mercosul (communauté économique des pays de l’Amérique du Sud, ndt) de “farce”, qu’il accuse le gouvernement de Bolivie de complicité avec le narcotrafic, qu’il critique l’initiative du gouvernement brésilien visant à éviter un nouveau conflit au Moyen-Orient.

Lamentablement tant qu’étonnamment, cette stratégie, entre autres déplorables aspects, souffre d’un retard historique dramatique. Hélas pour Serra mais heureusement  pour le Brésil et pour le monde, la doctrine Bush touche à sa fin. Le 27 mai dernier, le gouvernement des U.S.A. a divulgué sa nouvelle doctrine de sécurité nationale qui abandonne le concept de “guerre préventive” comme élément structurant de la stratégie de la politique étrangère nord-américaine. Un des ses assistants disposant d’un minimum de lucidité et d’information devrait peut-être avertir le pré-candidat des changements en cours dans le monde, surtout depuis la fin de l’ère Bush. Mais s’il a fait le choix d’adopter intégralement l’agenda de la droite au Brésil, en Amérique Latine et aux États-Unis, il semble logique qu’il lutte pour la restauration de l’ordre ancien. Il est donc licite d’affirmer que la droite a, enfin, trouvé un candidat à la Présidence du Brésil.

http://www.vermelho.org.br/blogs/outroladodanoticia/?p=34648

traduction Pedro DA NOBREGA

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