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LE PIGEON BLEU
7 juin 2011

Législatives 2011 au Portugal : on prend les mêmes et on recommence !

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La victoire prévisible de la droite, lors des élections législatives au Portugal, ne change malheureusement pas vraiment la donne concernant la situation potentiellement explosive que connait le pays. Car si la chute du gouvernement PS du Premier-Ministre Socrátes a été provoquée par sa volonté d’imposer un plan d’austérité drastique demandé par les bailleurs de fond que sont le F.M.I. et la Banque Centrale Européenne, il est clair que la nouvelle majorité de droite n’a absolument pas l’intention de s’inscrire dans une autre voie, plutôt même d’en durcir l’amère potion.

 

Il convient de ne pas oublier que ce dernier plan d’austérité s’inscrivait dans le prolongement d’autres mesures de rigueur et d’un budget qui n’avaient pu être approuvés qu’avec la complicité active du vainqueur des élections d’aujourd’hui, le P.S.D.(Parti Social Démocrate, principal parti de droite). Et que cette politique ne diffère fondamentalement en rien de celle menée par le P.S.D. lorsqu’il était au pouvoir avec l’appui du C.D.S. (Centre Démocratique et Social), l’autre formation encore plus marquée à droite.

 

Pour autant que cela puisse surprendre, ce sont ces trois formations qui, depuis des décennies, ont trusté le pouvoir avec des politiques plus ou moins libérales se soumettant docilement aux fourches caudines d’une intégration européenne n’ouvrant aucun autre horizon que celui de la dérégulation capitaliste. Pour ces législatives, le total des députés étant de 230, si le CDS reste la troisième force politique du pays avec 11.74 % et 24 députés, soit 3 de plus, c’est le PSD qui rafle la mise avec 38.63 %  et 105 députés, plus 24, ce qui ne lui suffit pas néanmoins à atteindre tout seul la majorité absolue située à 116, quel que soit le résultat des circonscriptions réservées à l’émigration non encore dépouillées et qui élisent 4 députés. Le PS se retrouve à son plus bas niveau depuis 1987 avec 28.05 %, perdant 24 députés pour n’en garder que 73.

 

C’est donc ce bloc central, pourtant à l’origine de la crise, que l’on retrouve encore, pour la énième fois aux commandes, illustrant ainsi une alternance devenue une caricature de démocratie n’offrant aucune perspective de changement possible, seule la distribution des cartes entre les mêmes larrons changeant d’une échéance électorale à l’autre.

Deux chiffres résument cette désespérante évidence :

La somme des voix obtenues par ces trois formations était de 4 323 681 voix en 2009, lors du scrutin législatif précédent, elle est cette fois-ci de 4 355 510 voix, illustrant ainsi une grande stabilité, bien qu’il s’agisse d’un scrutin à la proportionnelle. L’autre chiffre, lui plus inquiétant car il illustre le fossé grandissant qui se creuse entre la représentation politique et le pays, est celui de l’abstention qui s’élève à 41,1 %, chiffre très élevé pour un tel scrutin, à comparer avec les 8,34 % d’électeurs qui s’étaient abstenus lors du premier scrutin libre après la chute de la dictature fasciste en 1975. Il faut y ajouter 4,1 % de votes blancs et nuls.

 

Force est de constater que cette alternance a constitué un étouffoir pour la démocratie et constitue finalement un modèle institutionnel de démocratie de « basse intensité » qui vise à évacuer toute perspective alternative de changement de société, pourtant un des éléments fondamentaux constitutifs d’une démocratie. Verrouillage politique qui ne fait que réduire la participation des citoyens et fragiliser la légitimité démocratique du cadre institutionnel. Et cette question des institutions ne se pose pas qu’au Portugal.

 

Cette lancinante absence de perspective alternative est une des raisons majeures de l’émergence de mouvements spontanés de contestation sociale comme « Geração á rasca » (Génération Galère) au Portugal ou les « Indignados » en Espagne qui ne voient pas dans le cadre de cette démocratie de délégation la moindre réponse aux difficultés quotidiennes qu’ils doivent affronter pour vivre.

 

Car contrairement à ce qu’accréditent certains discours convenus, le niveau moyen des salaires au Portugal est bien parmi les plus bas de l’Union Européenne mais ne dit pas également l’explosion de la précarité qu’a illustré le mouvement des « recibos verdes » démarré le 12 mars dernier par des milliers de jeunes précaires, dont la majorité sont pourtant diplômés. Il ne dit pas non plus une inégalité salariale vertigineuse puisque les plus hauts salaires tant dans le privé que dans le public se situent eux dans ce qui se fait de plus élevé dans l’Union Européenne. Tous ces éléments qui refont du Portugal un pays d’émigration à l’heure actuelle.

 

Il est vrai que le mirage de l’intégration dans « l’eldorado » européen et son vertige consumériste a pu faire illusion quelque temps mais à l’heure de payer les factures, ce sont toujours les mêmes qui se voient présenter la note à régler : ceux à qui l’on ne cesse depuis des années de demander des sacrifices sur leurs maigres ressources pendant que d’autres qui ont vanté ce mirage et en ont bien profité tiennent toujours les mêmes discours de rigueur destinés aux plus pauvres, sans jamais ébaucher la moindre remise en question de leurs choix politiques et économiques. Comme s’il n’existait pas d’autres issues possibles. C’est tout ce processus qui a nourri le profond désenchantement qui s’exprime aujourd’hui, que ce soit dans l’abstention, l’écoute des discours les plus démagogiques et la défiance envers la représentation politique.

D’autant plus dans des pays, comme le Portugal ou l’Espagne, où il n’existe pas de tradition de travail en commun à gauche, les Partis Socialistes de ces pays s’étant toujours inscrit très clairement dans des options sociales-libérales tournant le dos à la gauche et où un résultat comme celui de 2005 en France sur le projet de constitution européenne apparaîtrait bien improbable.

 

Cette gauche justement qui, au Portugal, connaît des destins contrastés :

Si la C.D.U. (Coalition Démocratique Unitaire regroupant le Parti Communiste Portugais et les Verts) parvient à tirer son épingle du jeu avec près de 8 %, étant la seule formation de gauche à ne pas reculer, en réélisant non seulement tous ces sortants mais en gagnant un député dans une région où elle n’en avait plus depuis plus de 20 ans, elle est cependant loin de trouver la traduction politique que les grands mouvements sociaux de ces derniers mois où elle a tenu un rôle actif pouvaient lui laisser espérer. Elle se confirme cependant comme la quatrième force du pays avec 16 députés.

Quant au Bloco de Esquerda (Bloc de Gauche, membre du PGE européen), avec 5,2 %, il perd la moitié de ses voix et de ses députés. Il paie là assurément son manque d’implantation sociale, mais aussi ces atermoiements tactiques face au PS justifiés par sa volonté de supplanter la CDU à gauche.  

 

C’est donc sur le terrain social que la partie va se jouer et sur la capacité de la gauche à remettre en question son champ d’intervention pour réinventer d’autres rapports à l’action politique qui lui permette d’aller à la rencontre des aspirations qui s’expriment aujourd’hui dans les rues et places des grandes villes du pays. D’ailleurs dès cette semaine est prévue une grande grève des cheminots et l’intensification du programme des privatisations promise par la droite ne risque pas d’apaiser le climat social.

 

Mais pour réhabiliter la représentation politique auprès de tous ceux qui souffrent d’un système qui les méprise et les broie, il faudra bien d’une façon ou d’une autre que la gauche, dans l’ensemble de ses composantes, accepte de poser la question de la légitimité démocratique actuelle du cadre institutionnel en particulier européen et interroge ses pratiques et positions en la matière.

Pour redonner crédibilité auprès des peuples à l’idée que la politique peut encore changer le réel et élargir le champ des possibles.

 

 

Pedro DA NOBREGA

07/06/2011

 

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Commentaires
N
... nous rejoignons là la discussion que nous avons eu tout à l'heure au téléphone.<br /> <br /> Evidemment, dans le cadre d'une 6° République telle que nous aimerions que notre parti la creuse un peu plus que simplement remettre en cause la personnalisation du pouvoir avec l'abrogation de l'élection présidentielle, une part meilleure consacrée à la démocratie directe ne pourrait qu'aider à une réelle participation citoyenne. <br /> <br /> Mais je voulais simplement insister que s'indigner n'est pas suffisant. Se mobiliser pour un programme revendicatif, peser pour établir un rapport de forces favorable aux revendications, et pour cela travailler aussi à la modification du rapport des forces dans les institutions, c'est quelque chose qui devrait éviter de devoir constater que le mouvement social et le mouvement d'émancipation politique ne marchent ni du même pas ni dans la même direction.<br /> <br /> Voilà donc, quelques bribes d'explication... qui aideront peut-être à relancer le débat.<br /> <br /> Fraternellement,<br /> <br /> NOSE.
P
Comandante<br /> <br /> certes pas la quintessence, mais l'émergence de ces mouvements, loin d'être dénués de contenu politique, doit quand même interpeller nos pratiques politiques et la cadre dans lequel nous agissons et nous exprimons <br /> <br /> la démocratie n'étant pas réductible à un isoloir, comment prendre en compte les aspirations à être acteur de sa propre vie dont ces mouvements sont porteurs, dans leur diversité ?<br /> <br /> ne sont-ce pas les limites démocratiques de nos institutions qui sont directement remises en question ?
N
... qu'on ne nous dise pas que ces "indignés" c'est la quintessence nouvelle de la révolution !<br /> <br /> NOSE
N
Comme quoi, il ne suffit pas de s'indigner, n'est-ce pas mon cher Stéphane HESSEL !<br /> -> Parce que les grecs s'indignent mais ils élisent un parlement et donc un gouvernement qui leur impose l'austérité;<br /> -> Parce que les espagnols s'indignent et sanctionnent le PS qu'ils avaient élu et son gouvernement, mais ils renforcent la droite qui aggravera l'austérité; <br /> -> Parce que les portugais s'indignent et jettent un gouvernement PS qui leur a imposé l'austérité mais remettent les clefs à une droite encore plus réactionnaire;<br /> -> Parce qu'en Italie, c'est le même scenario qui se profile et qu'en France on risque la même chose si l'on n'y prend garde, après pourtant 5 ans de Sarkoléon !<br /> <br /> Alors s'indigner, très bien, mais réfléchir et construire une alternative, c'est mieux !<br /> <br /> NOSE
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