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LE PIGEON BLEU
16 octobre 2011

À L’ECOLE QUAND UNE ENSEIGNANTE PERD LE DROIT D’ÊTRE UN ÊTRE HUMAIN…

 

 
 http://socio13.wordpress.com/2011/10/14/a-l%e2%80%99ecole-quand-une-enseignante-perd-le-droit-d%e2%80%99etre-un-etre-humain%e2%80%a6par-danielle-bleitrach/

 

toerless1Cette enseignante qui s’est immolée dans la cour de son lycée n’était probablement plus en état d’enseigner mais en pensant au calvaire qui l’a conduite à ce geste spectaculaire, j’ai n’ai cessé d’avoir en mémoire le livre de Musil aux relents de nazisme: le désarroi de l’élève Törless.

J’imaginais cet être faible, l’enseignant, jetée en pâture à une troupe d’adolescents livrés à leurs seuls instincts et rêvant de pouvoir exercer leur sadisme sur un individu totalement dénué de défense. Il y a la bête collective, les instincts démultipliés par la proximité et le partage de l’ignominie… Avoir raison tous ensemble comme ceux qui jadis assistaient aux jeux du cirque, frémissaient devant des chairs palpitantes. Et enfin comble de bonheur offrir ces purs instants de sadisme partagé à la fièvre médiatique d’une nation qui ne veut pas contempler le spectacle d’elle-même qu’elle offre au monde.

On a créé pour eux un soutien psychologique, quelle hypocrisie… Ces adolescents gorgés du sadisme ordinaire des jeux vidéos, confrontés à une société dont les valeurs ultimes son le narcissisme ont du prendre un pied pas possible à voir leur malheureuse enseignante transformée en torche vivante…

Nous en sommes bien à ce que décrit Robert Musil dans les désarrois de l’élève Törless, un sombre apprentissage.

Robert Musil montre le sombre rituel de la mise sous tutelle du malheureux Basini par ses camarades de l’école de W. où Törless est interne. Simple voleur en mal d’argent au départ, mais de caractère faible, Basini va être la victime d’un mécanisme aux relents de nazisme avant la lettre :

« Il ne mérite aucune pitié, que nous le dénoncions, que nous l’assommions, ou même que nous le torturions à mort par pur plaisir. Je ne puis concevoir qu’un type de ce genre ait le moindre rôle à jouer dans le merveilleux mécanisme de l’univers. »

En étant le pédéraste qui abandonne son corps progressivement à tous, Basini a perdu le droit d’être un homme. On déshabille Basini, on le fouette jusqu’au sang, et Törless sent monter en lui aussi un désir bestial.

Du Je suis un voleur, Basini doit accepter de passer au pacte définitif :

« Je suis une bête sournoise, votre bête sournoise et vile. »

La suite est logique, Törless suit désormais toutes les leçons de ses professeurs en se disant :

« Si tout cela doit vraiment nous préparer à la vie, comme ils disent, il doit bien s’y trouver aussi quelque reflet de ce que je poursuis. »

Le « pied » pris par Törless quand Basini se livre à lui comme victime consentante. Basini devient donc, victime et complice, l’esclave sexuel, l’objet qu’on tourmente. Mais il y a dans ce garçon une sombre inclination à son sort. Cela, Törless, pris au piège de sa propre sensualité, ne le comprend pas d’abord, ne le comprend enfin que quand Basini se glisse dans son lit :

« La sensualité qui s’était lentement insinuée en lui à chaque accès de désespoir avait pris maintenant toute sa force. Elle était couchée nue à côté de lui et lui couvrait la tête de son souple manteau noir. Elle lui soufflait à l’oreille de tendres conseils de résignation, elle écartait de ses doigts brûlants, comme inutiles, toutes questions et tous devoirs. Elle murmurait : dans la solitude, tout est permis. »

Avec Basini, Törless assouvit la secrète et mélancolique sensualité sans objet de l’adolescent.

Plus tard, il sera « au nombre de ces natures d’intellectuels ou d’esthètes qui trouvent un certain apaisement à observer les lois et même, partiellement, la morale officielle, un certain degré d’immoralité au lycée passant même pour une preuve de virilité et de courage… »

 

Par Danielle BLEITRACH.

 

NB : J’ai vu ce film, « les désarrois de l’élève Törless » lorsque j’étais jeune normalien, en terminale philo, et c’est vrai que la référence est ici particulièrement pertinente…

 

Un grand merci à Danielle pour cette analyse qui rend bien compte d’un phénomène de groupe contre un individu faible ou affaibli, dont il ne faut jamais oublier qu’il est un être humain. Cette analyse me paraît d’autant plus nécessaire que j’ai entendu dans mon entourage, à propos des deux profs qui ont défrayé la chronique cette semaine (à Béziers et à Bourges), des choses que je ne peux décidément pas partager et qui sont pour moi des fausses pistes absolues. J’ai entendu dire que l’auto-immolation par le feu de cette prof est un sommet de la barbarie à l’égard de ses élèves. C’est totalement irrecevable, car c’est la victime qui est niée en tant que telle, et on voit là à l’œuvre un phénomène qui transforme en agresseur quelqu’un qui est victime de tout un faisceau d’éléments dont nombre accusent le système lui-même (l’institution « éducation nationale » d’aujourd’hui, mais aussi cette société toute entière qui refuse de s’attaquer aux inégalités). C’est enfin totalement irrecevable aussi parce que les grands élèves au lycée sont parfaitement capables d’assumer leur « libre arbitre » et leur responsabilité, et il faut cesser de les voir seulement comme des êtres en construction… On est toute sa vie en construction !

 

J’ai également entendu à propos de ce prof qui a usé de son attirail de samouraï contre des êtres humains (qui étaient policiers au service de la République) que c’était un cinglé et que décidément çà faisait beaucoup d’actes détonants pour le service public d’éducation en une semaine…

Il faut cesser de rester à la surface des choses pour aller plus loin et réfléchir aux conditions dans lesquelles fonctionne un service public comme celui-là. J’ai été prof et je n’ai jamais rencontré une médecine du travail dans ce service qu’au tout début de ma carrière très évolutive, quand j’étais élève-instituteur à l’école normale. Pendant près de 40 ans, plus rien… et pourtant la vie ne s’est pas gênée pour infliger ses coups divers et variés… C’est inadmissible, car cela n’est pas toléré dans le « Monde du Travail », partout ailleurs, alors que le métier de prof est un métier éminemment difficile en tant que métier de relation et de communication. Par ailleurs, les conditions de recrutement et de formation se sont considérablement dégradées sous la férule des maîtres de la libéralisation à outrance des services publics alliés au MEDEF… Je pense que les syndicats d’enseignants sont en partie responsables de cet état dans lequel est aujourd’hui le système éducatif et ses personnels. Avoir accepté structurellement que ce monde syndical enseignant se pense comme vivant sur une autre planète et comme un monde pouvant éviter la prolétarisation en se maintenant hors du « Monde du Travail » et pour tout dire, du « Monde ouvrier », a conduit à nous isoler et à nous laisser battre comme les Curiace face aux Horace.

 

La solidarité partout et pour tout, il n’y a que cela qui peut construire une société acceptable pour l’être humain. Il faut urgemment construire l'unité syndicale !

 

NOSE DE CHAMPAGNE.     

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Commentaires
E
pour nous avoir donné a connaitre le contenu de la lettre de cet IA.
N
... un appel à se ruer sur l'IA du 83 pour cause de propagande militariste à l'école, etc.<br /> Je trouve inadaptée cette façon de faire. Il aurait fallu d'abord donner le texte de la lettre de cet IA et ensuite seulement en faire l'exégèse pour agir...<br /> Mais vous pouvez aller longtemps sur les sites des syndicats ou de l'IA, il est difficile de la trouver... <br /> <br /> [S]Et pourtant, la voilà[/S]: <br /> <br /> L'Inspecteur d'Académie <br /> Directeur des services départementaux<br /> de l’Education Nationale du Var<br /> <br /> à<br /> <br /> Mesdames et Messieurs les Professeurs des Ecoles du Var <br /> s/c des Inspecteurs de l’Education Nationale<br /> <br /> La contribution au respect des engagements internationaux ainsi que la préservation des intérêts de la France entraînent l’exposition de près de 12 000 militaires dans des OPEX (opérations extérieures).<br /> <br /> Chaque fin d’année, l’association Solidarité Défense adresse à chacun de ces français engagés à l’étranger, un colis pour les fêtes auquel elle souhaiterait joindre un dessin d’enfant. Elle propose par ailleurs aux enseignants du premier degré d’expliquer aux élèves, les missions des soldats français au service de la paix afin de les aider à produire des dessins qui pourraient constituer un témoignage en forme de soutien.<br /> <br /> Je vous invite à contribuer à ce geste de solidarité en sollicitant cette association le plus rapidement possible dans le cadre d’actions à caractère pédagogique, que vous souhaiteriez mettre en place avec vos élèves.<br /> <br /> Signé : Jean VERTUCCO<br /> <br /> Est-ce que vous préférez qu'on se taise et que personne ne sache, ni pourquoi, que la France fait la guerre ("pour avoir la paix" !!!) aux 4 coins du monde ?<br /> Eh bien, moi je pense qu'on pourrait envoyer des dessins ou des clips vidéos du genre, "reviens Léon, on a les mêmes à la maison" !<br /> <br /> NOSE
N
... Être enseignant-e, on l'aura compris, est un métier exigeant. Pour l'exercer, il faut être formé-e. Le régime abominable actuel que nous subissons a cassé les centres de formation et les programmes de formation, qui n'étaient pourtant pas parfaits.<br /> <br /> Ce métier a particulièrement besoin de centres de recherche et de formation théorique et pratique avec aller-retour entre les deux... <br /> <br /> "Aller au front" de l'éducation sans bagage, sans apprentissage des prérequis pour les savoirs, les savoirs être et les savoirs faire, sans une information et une formation sur le développement humain, c'est aller à la boucherie !<br /> <br /> "Aller au front" sans réfléchir au sens que çà a de faire partie d'un service public, avec la continuité du service à la fois dans le temps et dans l'espace national, sans une déontologie et une garantie statutaire du fonctionnaire (çà fait belle lurette qu'on ne forme plus à çà et qu'on exalte l'individualisme des gagneurs !), c'est condamner le service public de l'éducation et accélérer sa marchandisation.<br /> <br /> NOSE
N
... 2 messages qui avaient trait à ce fil. Je trouve que c'est dommage de ne pas poursuivre le débat à "visage découvert", si l'on en a envie...<br /> <br /> En gros, je résume, çà dit sur le fil de son blog que Danielle BLEITRACH a pété les plombs, et elle répond que non et comment il faut lire son point de vue. <br /> <br /> Quand à moi, je partage totalement son point de vue, en ce que rien de ce que vous avez pu dire ne s'inscrit en faux contre ce qu'elle avait énoncé au départ et qui "syncrétise" (je ne sais pas si ce mot existe, mais je me comprends) les aspects psychologiques, sociologiques, historiques et politiques de la vie scolaire.<br /> <br /> Je me souviens que nous avons eu des mots avec DB, parce qu'elle a un sale caractère. Mais je ne suis pas prêt pour autant à jeter aux orties tout ce qu'elle dit ou écrit. C'est une universitaire de qualité; c'est une ex-membre du Comité Central du parti, du temps où le parti "pesait"; c'est une personne dont la famille a subi la persécution nazie, etc. Cela l'a imprégnée, informée, sensibilisée, "vaccinée" d'une manière particulière et parfois excessive... mais il important d'écouter et faire l'effort de comprendre ce qu'elle "dit".<br /> <br /> Et puis, même si l'on ne parvient pas à convenir de nos convergences sur ce sujet, je pense qu'au moins elle aura eu le mérite de susciter un débat fort nécessaire et somme toute fort intéressant.<br /> <br /> NOSE
N
Je fais... et non pas je fai[G]t[/G] !!!<br /> <br /> NOSE
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