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LE PIGEON BLEU
1 décembre 2011

ET ENCORE LA CRISE, ET ENCORE L'EUROPE, ET ENCORE LA CAMPAGNE PRESIDENTIELLE...

 

POUR QUI SONNE LE GLAS EN EUROPE ?

 

Monti, Allemagne, Bretagne, OCDE, Corinne.

Traité de Lisbonne :

Le 2ème anniversaire d'une forfaiture qui coûte cher

Communiqué du 30/11/2011

kke-dyn009_original_200_229_jpeg_2586424_24460ab4152aedaaed19de108db5fc92Demain sera le triste deuxième anniversaire de l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. C'est l'anniversaire du coup de force de Nicolas Sarkozy soutenu par la majorité du PS, du PRG et des Verts, pour imposer au peuple ce qu'il avait refusé par son vote au référendum Constitutionnel de 2005.

C'est l'anniversaire d'un désastre dont les responsables sont toujours en place. Le Traité de Lisbonne a aggravé la crise en Europe en interdisant toute mesure pour y résister. Interdiction à la BCE de prêter aux Etats. Interdiction de contrôler les mouvements de capitaux. Interdiction de l'harmonisation sociale. Il a organisé les pires abus de dérégulations qui sont autant de failles ouvertes pour la spéculation financière, les abus sociaux et l’impuissance écologique.

Aujourd'hui la coalition du « Oui » s'est reconstituée pour imposer l'austérité aux peuples dans toute l'Europe. Il constitue des gouvernements communs en Italie et en Grèce. Il ne répugne pas à s’allier avec l’extrême droite en Grèce.

Le Front de Gauche propose une autre cohérence conforme au « Non » de 2005. Il propose de s'affranchir du Traité de Lisbonne pour sortir de l’impasse actuelle.

Je rédige ce post en renonçant au récit de campagne que je pourrais faire du fait de l’intense activité de celle-ci. De toute façon vous en retrouvez l’essentiel sur le site « Place au peuple 2012 ». Je préfère me donner le temps d’un petit coup d’œil posé sur le fond de scène politique et le drame qui s’y noue en Europe. A peine de retour de Bruxelles où je suis allé entendre la déclaration devant le parlement de la Commission et du président du Conseil sur les événements en cours, je partirai vers Bordeaux. Nous y tenons le quatrième des grands meetings de la campagne. Suivra un périple le lendemain dont vous aurez échos peut-être s’il y a un volontaire dans l’équipe pour tenir le carnet de route.  En fin de post je reviens quand même sur un moment de mon séjour en Bretagne. 

default2Les heures qui passent avancent le moment des comptes définitifs en Europe. Le point de rupture s’approche. L’échec de tout ce qui a été entrepris par les dirigeants européens est total. Si leur but était d’enrayer le désastre, on peut dire qu’ils auront été particulièrement nuls. Je crois qu’ils le voulaient. Pas tous de la même manière, ni avec les mêmes arrières-pensées, c’est certain. Les arrières-pensées ont pesé lourd tout au long de cet épisode. Car, par-dessus tout, la logique qui prévaut est « l’occasion fait le larron ». Pour eux tous, la crise de l’euro est un bon outil pour un renforcement de la transformation libérale de la société européenne. Pour les allemands, le reformatage de l’Europe à leur main est en cours. L’arrière-pensée est, dans leur cas, tout à fait transparente. Le but est : ou bien de soumettre tout le monde à une logique de zone mark maquillé en petite zone euro, ou bien expulser les récalcitrants. Mais c’est une chose de vouloir profiter d’une situation et une autre d’en maîtriser les dangers. Ils ne maîtrisent plus rien. L’obstination du gouvernement allemand tourne à l’agression contre la viabilité de l’Union Européenne. Son refus de laisser la Banque Centrale Européenne financer directement les Etats-nations est un acte de non-assistance à Europe en danger.

Nous y voilà. La récession annoncée dans ces colonnes et par tous les économistes de l’autre gauche est amorcée. Au même moment l’assaut contre l’Union Européenne continue. Tous les pays sont atteints. Et bien sûr, ce qui est spectaculaire pour beaucoup c’est que l’Allemagne elle-même soit atteinte. Le fameux modèle allemand est déjà au tapis ! Le moyen qu’elle a utilisé chez elle est exactement celui qu’elle refuse au reste de l’Union Européenne. Car l’Allemagne s’est en quelque sorte achetée sa propre dette par le biais de sa banque centrale. C’est une des propositions de Jacques Généreux dans son livre « Nous on peut !» et du programme « L’Humain d’abord ». J’ironiserais volontiers si j’en avais le temps sur le fameux fond de secours dont j’avais décrit ici comment il serait lui-même coulé le moment venu. C’est fait. Je vous renvoie à la liste des émerveillés de droite et de gauche qui ont alors soutenu l’idée de cette usine à gaz ! Si la politique était une arène objective nous n’aurions pas à rougir de notre bilan en matière de propositions de solutions. Et ceux qui décident comme ceux qui les ont approuvés seraient confondus de honte. Mais il en va autrement. Je crois cependant qu’au minimum cela devrait nous valoir l’estime des gens qui réfléchissent et qui ont suivi les épisodes de cette histoire depuis des mois.

Ce qui frappe dans ce moment si spécial c’est évidemment le décalage entre tout cela et le menu ordinaire qui nous est fait à travers les questions qui nous sont posées au fil des jours. Pour ma part j’en suis toujours à la séquence pédalo. En boucle. Cela m’amuse car maintenant j’ai compris que ce n’est pas une affaire personnelle mais un effet de système. Mais si l’on oublie la campagne « officielle », la vraie vie politique est sans précédent. Un après l’autre tous les fondamentaux de l’organisation démocratique de nos sociétés sautent. L’épisode du référendum grec avorté en a été une illustration spécialement crue. Mais combien d’autres événements de cette nature se multiplient sans qu’ils ne semblent plus émouvoir personne. Voyez. 

mod_article4392038_1L’autre jour, c’était l’OCDE qui donnait l’assaut contre l’Europe, à l’unisson de toutes les officines nord-américaines. En moins de six mois, l’appréciation de cet organisme international a fondamentalement révisé ses prévisions pour l’Europe en général, et pour la France en particulier. Chez nous, on passe d’une prévision de croissance de 2% à 0,2%. Avec prévision de récession. Comment ? Un  tel mouvement n’était-il pas prévisible il y a six mois ? Il n’y a aucune autre cause à tout cela que les décisions prises au plan politique : la politique d’austérité. Celle que l’OCDE elle-même recommandait ! Ce serait déjà assez de culot ! Mais un autre seuil est franchi à cette occasion. Non seulement l’OCDE continue à prôner une politique dont elle peut pourtant elle-même constater les effets désastreux, mais elle va beaucoup plus loin. Elle recommande des économies nouvelles d’un genre tout spécial. L’OCDE propose à notre pays de faire des économies en supprimant… les départements. C’est la première fois me semble-t-il qu’une institution de cette sorte se mêle de dire à la France, au nom de la bonne gestion, quelle forme doit prendre l’organisation de son Etat !  

breveon1932-6bed2J’ai appris avec dégoût la nomination de Mario Monti comme nouveau président du Conseil italien. Sa nomination préalable comme sénateur à vie, le soutien de la droite et des socialistes, tout me révulse dans cet épisode du feuilleton italien. Monti et son équipe de prétendus « techniciens » qui veulent faire croire qu’ils ne « font pas de politique », sont des libéraux ardents. Lui spécialement est un libéral convaincu, et pas n'importe lequel. Lorsqu'il était Commissaire à la concurrence, entre 1999 et 2004, il s'est illustré par son jusqu'au-boutisme obtus en la matière. Il a notamment été un farouche défenseur de la libéralisation du rail qui a tout mis en œuvre pour interdire tout "accord ouvertement anti-concurrentiel, ou pratique concertée dans l'attribution des créneaux horaires ou de la fixation des prix». Mais Monsieur Monti ne s'est pas arrêté au rail. Il a aussi et surtout été le pourfendeur des aides d'Etat aux entreprises, au point d'en voir même là où il n'y en avait pas. Exemple : en 2003,  il a obligé EDF à rembourser à l'Etat français des avantages fiscaux que ce dernier avait octroyé à EDF avant 1997, c'est-à-dire avant la déréglementation du marché de l'électricité ! Le problème ? Ces avantages fiscaux avaient été réincorporé dans la capital d'EDF ce qui, selon Monti, donnait un avantage concurrentiel à l'entreprise sur le marché. Monti les a donc considérés comme des aides d'Etat et les a faits rembourser. Et il ne s'est pas arrêté là. Il a aussi demandé l'interdiction des garanties illimitées de l'Etat sur EDF, obligeant de fait EDF à passer du statut d'établissement  public à caractère industriel et commercial à celui de société anonyme. Le cas d'EDF n'est pas isolé. La même année, Mario Monti s'en est pris aux aides d'urgence faites à Alstom pour sauver des milliers d'emplois et les a subordonnées à la condition de ne pas nuire à la concurrence. Il avait même eu l’idée incroyable d’exiger qu’Alstom cède le TGV à Siemens ! Il dut se contenter que l’entreprise se dessaisisse de son secteur électronique ! Une pure sottise.  Il s'en est aussi pris aux soi-disant aides à France Télécom. Il s'agissait en fait de dérogations de taxe professionnelle octroyées quand France Télécom n'était pas encore privatisée.

Et n'allez pas croire que Mario Monti ait changé entre-temps. En 2010, il recommandait à la Commission européenne de « prendre toutes les mesures de contrainte nécessaire et (de) maintenir la pression sur les Etats membres qui sont à la traîne afin de garantir une application rapide et intégrale" de la nuisible directive services. En septembre dernier, il affirmait sans s'émouvoir que nous assistions en ce moment « au  grand succès de l’euro et (que) la manifestation la plus concrète de ce grand succès c’est la Grèce". L'explication de l'enthousiasme du docteur Monti ? "La culture de la stabilité allemande est en train de se diffuser. Quel meilleur cas d’école que celui d’une Grèce qui donne assez de poids à la culture de la stabilité qu’elle est obligée de se transformer elle-même ? ». Comble du cynisme !  Il faut encore ajouter à cela que Monsieur Monti était depuis 2005 conseiller international de la Goldman Sachs. Et, cerise sur le gâteau quant aux symboles : il a longtemps été conseiller de Coca-Cola. Voilà le type de personnage que la droite et les sociaux-démocrates d'Italie ont accepté de placer à la tête de leur pays. C’est un aboutissement.

sarkaneQue la droite le fasse, on comprend. Mais les sociaux-démocrates ? On prend ici la mesure du parcours qu’ils ont accompli ces dix dernières années. Il a commencé par la transformation de leur « Parti de la gauche » en « Parti démocrate ». Il finit dans un gouvernement avec la droite pour démolir tous les acquis sociaux du pays. L’Italie aura été le laboratoire de la mutation de la gauche européenne sociale-démocrate en parti « démocrate » tel que je l’ai décrite dans mon livre « En quête de gauche ». C’est à ce mouvement que se rattachaient les Blair et Schroeder qui saccagèrent la gauche dans leur pays et en firent des fers de lance de la réorganisation libérale de leur société. C’est la ligne que portait François Hollande en France dès le début des années 80. Si on rapproche la situation en Italie et en Grèce, le tableau est effrayant et la déchéance du Parti Socialiste Européen coupe le souffle. En Grèce, ils siègent même avec l’extrême-droite. Le parti français et ses dirigeants, son candidat, font semblant de n’avoir pas vu. Ils regardent ailleurs. Pendant ce temps la situation s’aggrave. Voyez qui remplace le président du Parti Socialiste Européen Poul Rasmussen, depuis sa démission pour raison personnelle. Le président du parti bulgare. Un énergumène qui s’est distingué en condamnant par exemple la « gay pride » dans son pays. Tout un programme.

F201111151057472686723019Vous avez pu suivre mon périple en Bretagne grâce au carnet de route que Céline Meneses a tenu avec beaucoup d’efficacité littéraire.  Je peux témoigner que les photos de Remy Blang ont été faites au prix de grandes prises de risque. Elles sont magnifiques. De mon côté j’ai noté à la volée une ou deux choses, et ramené dans mes bagages un souvenir que je veux faire partager. Je commence par évoquer l’accueil qui m’est fait partout où nous passons. Je parle de celui qui nous est fait par le commun, ceux que l’on croise au hasard des rencontres ou bien chemin faisant. Et de celui que manifestent ceux qui se rassemblent avec nous dans les réunions. J’y sens beaucoup de chaleur et de fraternité humaine. Elle s’exprime sans fard, avec retenue mais toujours simplement. Cette sorte de rapport me convient. Je m’y sens respecté et mon rapport aux autres en est simplifié en dépit du caractère si singulier de la situation et de ma position. Je suis très heureux que nous ayons su dès le début de campagne mettre un hola clair à la personnalisation de notre action. On ne scande pas mon nom, il n’y a pas de panonceaux en carton à mon nom. Nous nous sommes épargné tout ce folklore infantilisant. Et aussi, ce qui est pire encore, peut-être, la sacralisation du candidat contraint d’endosser la pause marmoréenne que je vois prendre chez nos adversaires et concurrents. Je me méfie comme d’un poison de tout ce que j’entends sur la nécessité de « faire président » et toutes ces sornettes qui misent sur la crédulité des spectateurs et l’égotisme de l’acteur. L’autre fait qui me marque est la provision formidable de choses que l’on peut apprendre dans ces rencontres organisées ou inopinées. Y réfléchissant je me suis dit que finalement mes interlocuteurs manifestent ainsi un sens pédagogique assez avancé. Avec les Lucas, à la ferme, ou avec Olivier sur le port de pêche, ou avec ceux de la réparation navale, tout m’est paru simple une fois présenté par eux. Je ne dis pas que j’avale tout rond ce qu’on me dit. Le contraire : je trie à mesure que j’emmagasine. Mais ils expliquent très bien. Je m’efforce d’en faire autant pour la part de savoir que je dois transmettre. Cela doit être notre marque. La simplicité dans les manières d’être comme dans les manières de dire. Le contraire du parler tortueux de la droite officielle ou de la sociale-démocratie ordinaire. 

En Bretagne, la presse papier c’est « Le Télégramme » et « Ouest-France ». Ni l’un ni l’autre n’ont d’accointance à gauche, c’est sûr. Mais il y a une différence de taille. Je ne parle pas de la diffusion. « Ouest-France » écrase tout le monde, c’est sûr ! Mais « Le Télégramme » est ouvert et « Ouest-France » fermé. « Le Télégramme » m’ouvre donc ses colonnes et me propose une page d’entretien qui paraît le jour de mon arrivée à Brest. « Ouest-France » ? Rien. Absolument rien. Des petits signalements, ici et là, en page locale, à mesure de mon parcours. France 3 région m’a proposé un plateau vendredi soir à dix-neuf heures. Trois minutes trente. Propre, bien inséré après un reportage sur la Sobrena, entreprise que j’avais d’ailleurs visitée l’après-midi.  « Ouest-France » : rien. Pire. Le localier qui vient suivre le meeting affirme que j’ai « boudé la presse locale ». Il faut oser, non ? Quelle fourberie !  Bien sûr je ne dis pas que ce soit un mauvais journal. Le contraire ! Et je suis un connaisseur car je suis très friand de presse locale. Mais que veut dire ce sectarisme ? Pourquoi ce parti-pris hostile ? Ce qui n’empêche pas le grand patron, François Régis Hutin, de faire la leçon de morale à tout le monde en éditorial. Il se plaint de ce que « les politiques » ne s’intéressent qu’à l’élection « au lieu de prendre la mesure des événements » bla bla bla. Le poujadisme médiacratique habituel. Un bienpensant qui applique avec férocité la devise « faites ce que je dis mais pas ce que je fais ». Ce François Régis Hutin, je l’ai connu il y a longtemps. Il était l’invité du président Mitterrand dans un voyage en URSS auquel je participais. Un soir, je le croise dans le hall de l’hôtel, chargé de deux gros sacs. Je lui propose de l’aider à porter ça. Je grimpe donc avec lui jusqu’à destination dans les étages. Je lui demande pourquoi ce chargement. Car c’était spécial. Des bibles ! Oui, des bibles ! « Je vais animer un groupe de prière ». Je l’ai aidé jusqu’à destination. Bien sûr le sectaire, c’est moi. Et l’esprit ouvert, c’est lui. Je porte ses bibles. Il me ferme ses colonnes. Voilà ce que sont ces gens. Ne l’oublions jamais.

sarkozyhollandePour moi, le temps d’humanité le plus fort du meeting de Lorient fut l’intervention de Corinne, syndicaliste CGT de l’agro-alimentaire. J’ai fait la connaissance de Corinne le matin à la ferme des Lucas. On s’était salué à l’arrivée et dit au revoir au départ, sans davantage échanger. Juste les petits signes de connivence qu’on échange entre nous dans cette sorte de circonstance pour se dire de l’amitié avec les yeux, sans en rajouter. Elle avait suivi le déplacement sans souffler mot. L’après-midi au meeting, je la retrouve en montant sur la scène où elle était déjà installée avec les camarades qui vont intervenir. Ce fut un moment très spécial de l’entendre parler. Elle lisait ses feuilles. Ce n’est pas facile de parler devant tant de monde, sous la lumière crue des spots et le souffle de la salle qui pulse sans qu’on sache d’où il vient. Voici le récit qu’elle a fait, la voix tranquille et posée, devant trois mille personnes unies par un silence de communion humaine.

« Bonjour, je m’appelle Corinne NICOLE, j’ai 44 ans, je suis mariée, mère de cinq enfants , militante CGT depuis des années. Je travaille comme ouvrière en 2 x 8 et j’insiste sur le mot « ouvrière » pas opératrice comme on nous appelle maintenant, dans un abattoir de poulets comme il y en a beaucoup en Bretagne. Il y aurait tant de chose à vous dire sur les conditions de travail des salariés de l’agro-alimentaire, ce qui me prendrait évidemment plus de temps qu’il m’est imparti. C’est pourquoi j’ai décidé de vous décrire la journée d’une ouvrière dans ce secteur. Cette ouvrière je l’appellerai NADINE, 27 ans d’ancienneté, 43 ans, maman de 3 enfants de 8 à 14 ans. »

« Nadine se lève à 4 heures pour une prise de poste à 5H40. Cette semaine elle est du matin. Après avoir avalé vite fait son café (elle n’arrive toujours pas à prendre son petit déjeuner si tôt), Nadine vérifie les cartables des enfants, dresse la table du petit déjeuner, prend sa douche et part au travail. Pendant le trajet, elle se dit qu’heureusement que les enfants ont grandit et qu’elle n’a plus à les emmener chez la nourrice, qu’elle à bien eu du mal à trouver d’ailleurs. L’aînée de 14 ans lèvera les petits vers 6h30 et les déposera à la garderie à 7h30 avant de prendre elle-même le bus pour se rendre au collège. »

« Ouf ! Il n’y a pas de brouillard aujourd’hui, les enfants seront plus visibles par les automobilistes sur le parcours de l’école car il y a un kilomètre à faire. Nadine arrive sur le parking de l’entreprise à 5h15, se rend au vestiaire, prend sa tenue : pantalon, vareuse, charlotte, manchette, gant. Elle met son pantalon et commence à enfiler sa vareuse.  Aïe ! Ce bras et cette épaule qui recommence à la faire souffrir, elle arrive de justesse à le lever à l’horizontale, il va falloir qu’elle demande la taille du dessus pour la vareuse, elle sera plus facile à enfiler, elle dira qu’elle a pris du poids. Vite fait, elle avale son anti-douleur (Lamaline). Deux en cas de douleur lui a dit son médecin-traitant qu’elle a consulté il y a un mois. Du repos qu’il lui a dit ! Il est marrant lui, c’est pas lui qui va perdre 230 euros sur sa paie du mois ! Bon, ça tiendra au moins jusqu’à la pause. »

thumbs_dsc00767« Après avoir parcouru la distance qui la sépare de son atelier, elle pointe, 5h30 qu’il est !  Tiens la chef a déjà mis en route les ventilos. 4°C qu’il fait, le polaire qu’elle a acheté hier va lui servir. Bon, elle met ses bouchons d’oreilles et prépare son poste. 5H40, les poulets arrivent sur la chaîne, il faut les conditionner ! Yvette sa voisine lui fait un petit coucou ! Pas le temps de parler, trop de bruit, il faudrait crier et en plus 32 poulets à la minute, ça chôme pas. On se parlera à la pause ! Nadine regarde la pendule 7 heures, espère que la grande n’a pas oublié de se réveiller. Mince alors, les poulets tombent par terre, sa case déborde. Une panne qu’ils  disent, il va falloir rattraper le retard, en plus elle a besoin d’aller aux toilettes, un signe à la chef qui lui fait comprendre par gestes que la personne qui doit la remplacer est déjà occupée, il va falloir attendre. 7h30, enfin, Nadine peut aller aux toilettes, 5 min pas plus lui dit la collègue qui la remplace, il y a encore du monde à aller. 8h30, il est temps que la pause arrive, la douleur se réveille, «il est temps que je reprenne mes cachets » pense-t-elle. 9h, il était temps, elle a vraiment du mal à attraper les poulets, mais bon la chef n’a rien vu ! »

« Yvette la rejoint à table devant un bon café. « t’as su ce qui est arrivé à Jacqueline lui dit-elle ». « Non ! » répond Nadine. «ben, ça y est, elle a été licencié, pour inaptitude qui z’ont dit ! Tu sais bien, elle avait été opérée de l’épaule, elle était en arrêt depuis 6 mois ; ben, elle a vu le médecin conseil qui l’a consolidé et ici le médecin de travail, il l’a déclaré inapte. Le bureau du personnel a dit qu’il n’y avait pas de poste disponible par rapport aux gestes qu’elle peut plus faire. »

travaux-a9f38-47cab« Mince alors, elle n’a que 49 ans, qu’est ce qu’elle va faire, elle en a encore deux qui sont à la maison, en étude en plus ! » « Pour sûr, ça va être dur à la maison, en plus, elle aura plus de mutuelle, avec son mari malade. C’est pas la joie. » 9h15, il est temps de remonter, le temps de prendre ses « Lamaline » et de se rhabiller et c’est reparti ! Tout en conditionnant ses poulets, Nadine pense et pense encore. Heureusement qu’elle a  écouté ce qu’a dit la secrétaire du bureau du personnel se dit-elle, quand elle lui a expliqué que quand on déclarait une maladie professionnelle, la machine était lancée et on ne pouvait plus l’arrêter, ça se terminait obligatoirement par un licenciement. Du coût, pense-t-elle, elle a  bien fait de ne rien dire au médecin du travail la semaine dernière, elle ne l’avait pas vu depuis deux ans, il a rien vu de toute façon. C’est toujours çà de gagné ! 12h30, Nadine a pu aller aux toilettes en temps voulu, plus qu’une bonne heure de boulot, la douleur revient, c’est quand même mieux de ne faire que 7 heures de boulot, elle ne croit pas qu’elle pourrait tenir plus. »

« 13h40, La relève arrive, Nadine pointe et se rend au vestiaire, Yvette la rejoint,  «  Une de faite lui dit-elle ». « Oui et maintenant la deuxième journée à la maison va démarrer ». 14h10, retour à la maison, Nadine débarrasse la table du petit déjeuner, met en route le lave-linge, accroche le linge déjà lavé, fait les lits, passe l’aspirateur, etc… Surtout ne pas s’assoir. Une fois assise, elle ne se relève plus. Nadine reprend deux « Lamaline ». « Vous pouvez en prendre 6 par jour » lui a dit le médecin. »

« 16h30, Nadine va reprendre les enfants à l’école. Pendant que les deux derniers goûtent, elle peut enfin s’assoir et prendre son café pain beurre. Ensuite les devoirs. 17h30, l’aînée rentre du collège. Nadine ouvre le courrier du jour. Tiens, sa fiche de paie est arrivée. 1 120 € mutuelle déduite, heureusement que son ancienneté lui permet d’avoir un peu plus, se dit-elle. Ben tout est déjà dépensé d’avance, pas d’extra encore ce mois-ci. 18h, il faut penser à préparer le repas du soir. 19h30, les enfants sont douchés, on peut se mettre à table. 20h00 les infos à la télé : « Réforme des retraites », il faudra travailler encore plus longtemps ! « On voit bien qu’ils travaillent pas à la chaîne tous ces grands décideurs, Ils nous tueront avant, comme çà il n’y aura pas de retraite à nous verser ! » se dit-elle. »

« 20h30 le mari de Nadine rentre de Brest où il travaille, une heure de route. 22h00 après avoir préparé le repas du lendemain midi pour son mari, plié le linge et préparé les vêtements des enfants pour le lendemain, Nadine peut aller au lit. Auparavant elle avale deux autres « Lamaline » pour la douleur et la moitié d’un somnifère, en effet depuis quelques mois, elle a dû mal à s’endormir : Comment va-t-elle réussir à payer toutes les factures ! Ce que je viens de vous raconter, c’est du vécu, ce n’est pas de la fiction. »

papCe récit on le voit ne contient aucun commentaire, aucune extrapolation. Aucune surcharge compassionnelle, aucune dramatisation. Il dit de lui-même tout ce qu’il y a à savoir et à conclure. L’esprit pourtant saisit aussitôt le message. J’écoutais comme les autres, totalement en attention. Et je reçus le choc qui finissait ce récit. La conclusion vint de nouveau sans davantage que des faits bruts. « Je terminerai enfin par une pensée pour deux de mes camarades d’usine. L’un est décédé la semaine dernière d’une crise cardiaque à 51 ans, il ne prenait pas d’arrêt de travail comme le nécessitait son état de santé, «  tu comprends, me disait-il il y a un mois, si je m’arrête il manquera de l’argent sur la paie ! » L’autre camarade, 56 ans a été amputé d’une jambe faute de soins pour les mêmes raisons que j’évoquais ci-dessus. Merci de m’avoir écouté. »

 

Extrait du Blog de Jean-Luc MELENCHON, par NOSE DE CHAMPAGNE, le 01er décembre 2011. Les illustrations ne sont pas d'origine, mais choisies par votre serviteur...

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Commentaires
F
[Img]:url://storage.canalblog.com/40/21/341809/70820734.jpg[/Img]<br /> [I](AFP/MEHDI FEDOUACH)[/I]<br /> <br /> Cindy Lee, fondatrice du Parti du plaisir, était en campagne mardi à Paris. «[I]A poil face à la crise[/I]», peut-on lire sur les pancartes dans les mains des partisans de ce parti qui prône la liberté, la tolérance et surtout le bien-être de chacun. <br /> <br /> Pour la présidentielle de 2012, le site internet du Parti du plaisir décline le programme de la candidate vêtue de l'habit de Marianne :<br /> <br /> - L'emploi : il faut «[I]faciliter la réussite professionnelle des non diplômés (...) et casser les ghettos[/I]». Côté crise, il y est question de plusieurs mesures «spéciales» pour [I]relancer l'économie avec, toujours en objectif final, le plaisir de chacun[/I]. Cindy Lee propose, entre autres, la création d’un nouveau type d’agences de notation qui auront pour mission de «[I]noter le niveau de bien-être des populations et faire des propositions concrètes pour améliorer la qualité de vie individuelle et collective[/I]». Et, pour relancer la croissance, la candidate envisage même de mettre en place un «[I]plan Marshall pour le bien-être[/I]» qui se matérialiserait par la [I]construction d’équipements publics favorisant l’épanouissement personnel pour favoriser une meilleure production et qualité de travail[/I].<br /> <br /> « Il faut un peu d'humour. La vie est parfois tellement triste et démoralisante... », a confié la jeune femme.<br /> <br /> [G]Avec un tel programme, je ne vois aucune raison pour que Cindy Lee ne rejoigne pas le Front de Gauche ![/G]<br /> <br /> [I]lu dans http://www.leparisien.fr/election-presidentielle-2012/en-images-la-candidate-du-parti-du-plaisir-en-campagne-07-12-2011-1756926.php[/I]
A
http://www.jean-luc-melenchon.fr/2011/12/01/discours-de-jean-luc-melenchon-au-meeting-de-talence-33/
R
Même si je partage la démarche d'Esteban, l'intervention de Nadine est le reflet du ressenti de cette militante CGT, face à l'injustice elle se bat, tout comme Pierre de la SFBM qui apostropha Sarko sur TF1,ou encore Irène Frachon sur le médiator,ou des camarades de lo SOBRENA... c'est ensemble et cote à cote qu'ils étaient à la fête de l'huma Bretagne, qui cette année à connu un véritable succès, vous pouvez lire les carnets de route sur le blog du PC Bigouden.<br /> Roger[Héééhooo]
N
... Que fait-elle, Nadine, au lieu de geindre ?<br /> <br /> En lisant tout, on découvre qu'elle est au rassemblement (traduction française de "meeting") du Front de Gauche. Elle siège à la tribune et elle fait partie de ceux qui donnent leurs témoignages, avant que le candidat ne fasse son intervention devant tous les participants au rassemblement...<br /> <br /> Ce qui veut dire, a priori, que Nadine a de l'espoir et qu'elle se bat pour que ses espoirs se transforment en réalité... Elle s'engage aux côtés du Front de Gauche... Mieux: [G]dans[/G] le Font de Gauche !<br /> <br /> C'est très intéressant comme témoignage, parce que çà remet à sa place tous ces cons qui racontent, sans aucune preuve ni démonstration, comme le faisait hier soir V. Peillon à la TV, qu'autrefois les gens votaient communistes et que maintenant ils votent FN !<br /> <br /> Un sociologue comme Alain BIHR montre que ceux qui votaient communistes autrefois, dans leur majorité ne votent plus (et c'est bien dommage ! mais c'est ainsi et c'est là-dessus qu'il faut travailler). Il montre aussi que c'est l'électorat PS qui a glissé massivement vers la droite et celui de la droite qui a investi le FN... D'ailleurs il suffit de regarder les transformations de l'électorat du PS dans les années 80-90 et celui qui vote aujourd'hui pour lui... Les ouvriers ont massivement quitté le PS. C'est devenu un parti de bobos et de moyens bourgeois. Il montre aussi également, hélas, que [G]l'électorat ouvrier[/G] était massivement investi dans le PCF, mais qu'aujourd'hui il a fondu et n'est [G]plus qu'une grosse minorité[/G]...<br /> <br /> Quant aux affinités électives de la droite et du FN, on a tous des exemples dans nos quartiers populaires, durant les années 90-2000, de la porosité entre les électorats droite-extrême droite...<br /> <br /> Mais aujourd'hui, Esteban, les ouvriers comprennent tout de même que le PCF s'enfermant dans un magnifique isolement marxo-lénino-révolutionnaire çà ne conduit pas aux changements dont les gens ont massivement besoin pour survivre et parfois vivre. Ils ont compris que l'ont doit construire des alliances et les rendre suffisamment fortes pour éviter les trahisons des engagements. Et ceux qui entrent dans la construction de ces alliances, abstentions massives à l'appui partout en Europe, savent qu'ils ne peuvent plus se payer le luxe de ne pas respecter les engagements...<br /> <br /> À ciao... Je vais faire le compte-rendu de l'Intersyndicale où j'ai négocié pour la CGT ce soir (pour le 13/12 et la suite - et oui, nous on s'est mis d'accord pour une suite !) et s'il n'est pas trop tard, je reviendrais vous voir...<br /> Bisous-bisous !<br /> <br /> Bravo à Anna pour le FDG de la Manche ! Et vive Don Quijote !!!<br /> <br /> NOSE
E
a les siennes. Je ne vais pas me mettre à raconter les miennes qui seraient aussi pénibles à lire et à supporter.<br /> <br /> 4 licenciements (à cause directe de la politique de nos gouvernements de droite et socialiste), entreprise intérimaire,les 3 premiers jours de maladie non payés, des journées de 12h et de 13h hors de chez soi, avec 8 heures de travail intensif et physique etc., j'ai connu et je ne voyais pas la nécessité de me plaindre puisque je me battais pour essayer à ce que personne ne les vive. Oui avec la seule CGT et avec d'autres camarades. Attirer la compassion n'a jamais rien fait bouger. Au contraire, c'est en affrontant les patrons -dans l'entreprise- sans se cacher que l'on peut faire bouger et non en se lamentant.<br /> <br /> Tu as toi aussi les tiennes et tout le monde ici les a. Personne, ici, les a jamais étalées, pourquoi ? Parce que chacun s'est battu et se bat, alors les journées de Nadine, je les connais avant elle, ce que je veux savoir c'est : Que fait-elle pour essayer de changer la situation, comme d'autres le font en se battant ? [Attend]<br /> <br /> Je ne m’apitoie plus sur les pleurnichard(e)s, je ne soutiens que ceux et celles qui luttent. Hè!
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