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LE PIGEON BLEU
6 décembre 2011

Un mythe mort-né (suite)

 

À propos d’Allemagne toujours et encore

11-10-24-sarkozy-merkelCette note est allongée du commentaire rapide que je veux faire du dernier épisode du feuilleton Sarkozy-Merkel. Elle change donc de présentation puisque je commence par ce commentaire. Après quoi je propose une synthèse des éléments qui permettent de se faire une idée de ce qu'est en réalité le fameux "modèle allemand". Tout cela est bouclé avant un nouveau départ vers l'Allier et le Loiret où je vais faire un tour durant deux jours. Ici même vous trouverez un nouveau carnet de route que tiendra une fois de plus Céline qui a posé deux jours pour nous suivre et graver sa chronique avec son blackberry !

Ce lundi donc, Sarkozy recevait Angela Merkel à l'Elysée pour fixer des propositions de modification des traités européens. La contribution de Nicolas Sarkozy à cette réunion s'est résumée à en fournir la salle, après avoir offert le déjeuner de travail qui l'a précédée. Car sur le fond, les propositions annoncées reprennent intégralement et minutieusement les propositions défendues par Angela Merkel depuis plusieurs semaines. Les propositions soutenues par la France et d'autres Etats, comme les eurobonds ou une intervention accrue de la BCE ont au contraire été explicitement exclues. Merkel et Sarkozy ont même réaffirmé leur confiance dans la BCE et rappelé leur attachement à son indépendance absolue. D'ailleurs, Sarkozy s'est même fait fort de s'abstenir de tout avis ou commentaire sur la BCE. Les dernières statistiques récemment publiées par la BCE illustrent pourtant l'aberration du système actuel. Rien que dans la semaine écoulée, la BCE a prêté aux banques, au taux modique de 1,25 %, 256 milliards d'euros de liquidités. Au même moment nous avons appris que le total des titres de dettes publiques rachetés sur le second marché par la BCE depuis mai 2010 s'élevait à 207 milliards d'euros. La BCE fait donc plus en une semaine pour les banques qu'elle n'en a fait en plus d'un an pour la dette des Etats.

Les propositions avancées par Sarkozy et Merkel ne sont pas nouvelles. Elles reprennent des annonces déjà effectuées depuis plusieurs mois dans différents cadres : procédure du semestre européen, mécanisme européen de stabilité, pacte euro plus, etc. Des sanctions automatiques et immédiates seront mises en place pour les Etats ne respectant pas les 3% de déficit. Il faudra dorénavant une majorité qualifiée pour s'opposer à ces sanctions et non pas pour les décider. Une règle d'or renforcée et harmonisée sera imposée aux 17 Etats membres de la zone euro qui devront changer pour cela leur constitution et y fixer l'objectif de retour à l'équilibre budgétaire qui contraindra ensuite leurs budgets annuels. Depuis que tout cela a déjà été décidé, les eurocrates savent qu'il faudra modifier le Traité de Lisbonne pour faire entrer tout cela en application. L'occasion a donc fait les larrons. La dramatisation de cette rencontre est aussi une opération électorale pour les deux sortants que sont Sarkozy et Merkel, ne l'oublions jamais.

Mais la grande nouveauté est que tous ces changements seraient désormais gravés dans le marbre des Traités. Et ces modifications ont un point commun de fond : elles visent toutes à imposer aux Etats des politiques d'austérité. Comme les changements de gouvernements et les menaces politiques ne suffisent pas, ils ont décidé de passer par les Traités qui s'imposent de manière contraignante aux Etats et à leurs lois. Après avoir imposé le Traité de Lisbonne contre les peuples, ils ne se donnent même pas la peine d'en faire un bilan ou de s'excuser pour son échec. Le nouveau traité proposé devra en effet être négocié dans l'urgence et bouclé d'ici mars, toujours sans les peuples. Cela fait plus que jamais de l'élection présidentielle un référendum pour ou contre l'austérité. Pour nous, un mot d'ordre s'impose : pas de nouveau traité ou de modification des traités existants sans référendum. Après quoi vous ferez, chers lecteurs, une pause pour vous souvenir que tout cela vous le savez depuis 2005. Et depuis cette date, et la forfaiture qu'elle incarne, les deux camps du "Oui" et du "Non" ont déroulé et déroulent encore des politiques qui ne peuvent se concilier.

Le porte-parole du PS Benoît Hamon est à la peine. Comment mettre Hollande dans l'embarras en faisant des copiés-collés sans se faire prendre. Dans une déclaration à l'AFP lundi 5 décembre, il a fustigé "l'austérité", "grande gagnante, par KO, qui s'appliquera indifféremment à l'Allemagne, la France ou au reste de l'Europe". Certes il lui faut continuer le minage du port d'attache de François Hollande, ce qui semble être une activité très absorbante rue de Solférino. Il est évident que son discours n'existe que pour être démenti. Dont acte. Devons-nous lui rappeler le contenu des engagements de François Hollande et sa volonté de donner "du sens à la rigueur" ? A-t-il oublié que le candidat du PS défend le retour à 3 % de déficit public dès 2013 et le retour à l'équilibre en 2017, exactement comme le prévoit la stratégie défendue par Sarkozy et Merkel ? N'a-t-il pas entendu le responsable du projet de François Hollande, Michel Sapin, et sa conseillère économique Karine Berger évoquer un plan d'économies de 50 milliards, c'est-à-dire beaucoup plus que l'actuel plan Fillon ? Qui doit-on donc croire au PS ? Le candidat et son entourage ou le porte-parole ? Il y a deux campagnes des socialistes ? Celle du parti, et celle du candidat. Et même trois : celle des socialistes qui ont déjà décidé de voter Front de Gauche.

Mais Hamon est allé trop loin sur au moins un point. Un point qui lui vaut non pas un démenti mais un revers de balle pour le Parti socialiste. Il a dénoncé la procédure de soumission des budgets nationaux à l'avis de la Commission européenne. Voyez : " Demain notre décision de mettre en oeuvre telle ou telle politique d'éducation ou de santé sera soumise à la permission de la Commission européenne et, si nous nous en affranchissions, à une sanction de la Cour de justice européenne, comme l'a confirmé Mme Merkel. Pour nous c'est un abandon de souveraineté inacceptable. " Dommage pour Hamon car c'est justement ce que le PS le PSE et leurs élus ont déjà accepté et voté ! Les députés du PSE ont voté au Parlement européen en faveur de la procédure du "semestre européen" qui prévoit que les budgets nationaux soient désormais soumis à l'avis préalable de la commission européenne. Et quand les députés du Front de Gauche ont défendu à l'assemblée nationale une proposition de loi de Martine Billard visant à garantir la souveraineté budgétaire du peuple contre toute intrusion de la Commission européenne, qu'ont fait les députés PS ? Ils ont tous voté contre, le 7 décembre dernier, François Hollande et Michel Sapin en tête. Tous sauf Henri Emmanuelli.

De son côté François Hollande a expliqué clairement le contraire du porte-parole du PS. Pourquoi pas ? Il s'est exprimé hier au congrès du SPD à Berlin. Des élections auront lieu en Allemagne en septembre 2013. Le PS insiste sur l'alternance dans les deux pays comme condition du changement. L'accord EELV-PS dit d'ailleurs que "seule une majorité de gauche et des écologistes en France en 2012, puis en Allemagne en 2013, aura la force d'entraînement pour une Europe solidaire et volontaire". Pourtant, en 2000, la présence de Schröder et Jospin n'avait pas changé l'orientation de l'UE alors à 15. Sans doute ont-ils tiré la leçon. Mais pas du côté que l'on croit. Car le discours de Hollande est un désaveu de la résistance de Lionel Jospin face à la vague blairiste de l'époque, dont le chancelier social-démocrate allemand Schröder était un ardent partisan. En effet, dans son discours devant le SPD, Hollande a salué les réformes anti-sociales de Schröder. Et il a même souhaité qu'elles viennent en France : "vous avez fait des réformes importantes ici en Allemagne. En France, elles ont trop tardé". Ceux qui ont lu mon livre " En quête de gauche " ont déjà eu un aperçu de ces fameuses réformes. J'y reviendrai sur ce blog. Mais on peut citer pêle-mêle la baisse des indemnités chômage, le développement de la précarité du travail, la baisse de la taxation des bénéfices des entreprises ou encore le relèvement de l'âge de la retraite. Nous voilà en tout cas prévenus sur ce qui "a trop tardé en France".

D'ailleurs Hollande a aussi salué le président du groupe parlementaire du SPD, Franck-Walter Steinmeier. Directeur de la chancellerie sous Schröder, Steinmeier a été le principal concepteur des réformes anti-sociales. Il a ensuite été Ministre des Affaires Etrangères dans le gouvernement SPD-CDU en 2005 après le refus d'alliance du SPD avec Die Linke. Steinmeier a même été vice-chancelier de Merkel dans le gouvernement SPD-CDU ! En 2009, candidat à la chancellerie, il obtient le plus mauvais score du SPD depuis 1945 (23%). Pour la première fois, IG Metall avait refusé de soutenir les candidats du SPD après que Steinmeier a proposé une alliance au parti libéral FDP (qui avait refusé). Mais ça n'empêche pas Hollande de faire de belles phrases comme "nous avons à changer le centre de gravité de l'Europe. Le ramener davantage vers la gauche". On ne doit pas parler de la même gauche !

A plusieurs reprises, Hollande a aussi indiqué qu'il ne voulait pas changer les traités. Il prend comme argument le délai : "Aujourd'hui, l'Europe a moins besoin d'un traité de plus que d'actions immédiates. J'ai à l'esprit l'expérience du Traité constitutionnel européen : des mois et des mois pour être négocié, puis pour être ratifié et autant pour être repoussé. Nous ne pouvons pas attendre". Il a préconisé un "pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance". Une formule creuse comme il en a le secret et qui font les gargarismes des sociaux-démocrates européens. Dès lors il a enfilé les voeux pieux. Ainsi quand il a prôné "une harmonisation sociale et fiscale" sans préciser qu'elle est interdite par le Traité qu'il a fait voter. Il a aussi plaidé pour une "communauté européenne de l'énergie" sans dire un mot de la logique de libéralisation qui la contredit et est soutenue par le PSE. Il a enfin défendu "des coopérations renforcées" sans préciser que le Traité prévoit qu'" elles ne peuvent porter atteinte ni au marché intérieur ni à la cohésion économique, sociale et territoriale. Elles ne peuvent constituer ni une entrave ni une discrimination aux échanges entre les États membres ni provoquer de distorsions de concurrence entre ceux-ci " (Article 326 TFUE). Il est tranquille : ses grandes phrases ne sont jamais discutées par des gens sérieux qui connaissent les textes. Mais l'intéressé lui-même sait-il vraiment ce qu'il dit ou ment-il sciemment ? Je pense qu'en toute hypothèse il sait bien se moquer du monde. Ainsi sur la démocratie : "Je suis convaincu que rien ne peut se faire, que rien ne se fera sans la démocratie". Pourtant, c'est lui qui, en tant que premier secrétaire du PS en 2008, a permis la ratification du Traité de Lisbonne. Sans le vote des socialistes qui l'ont suivi, le Traité ne passait pas.

Mais dans le flot des mots, l'essentiel est bien serti, solidement. Car voici le cœur de l'affaire. Sur l'essentiel les partisans du " Oui " d'hier sont encore solidaires. Sur la BCE, Hollande a bien précisé qu'il ne veut pas changer ses statuts ni toucher à son indépendance : "Je respecte son indépendance" "je souhaite qu'elle puisse élargir son rôle […] dans le cadre de ses actuels statuts". Dès lors tout le reste s'enchaîne ! Le premier point du "pacte de responsabilité" de Hollande est la "responsabilité budgétaire". Il a réaffirmé "je réduirai les déficits en France : 3% du PIB de déficit budgétaire en 2013, l'équilibre en 2017". Hollande a aussi déclaré "j'accepte une vigilance sur les budgets nationaux". C'est cohérent avec son soutien et celui du PSE à la procédure du " semestre européen " grâce à laquelle la Commission compte contrôler les budgets nationaux.

Extrait du Blog de Jean-Luc MELENCHON.

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