LIEGE (BELGIQUE) & FLORENCE (ITALIE)...

SUR RIA-NOVOSTI : 2 MASSACRES EN 1 JOURNEE DANS 2 VILLES D’EUROPE

"16:35 15/12/2011

Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti

Il est impossible de commenter le hasard. Or, le massacre perpétré par un forcené nommé Nordine Amrani sur la place centrale (Saint-Lambert) de Liège est un pur hasard. Quant à la réaction des Belges, et des Européens en général, à cette histoire, elle paraît logique. Cette réaction n’est même pas la peur, mais un sentiment d’horreur et de désespoir, le sentiment que personne n'est prémuni contre ce type de risques.

La folie n’a pas d’appartenance ethnique?

Faisons une expérience avec le lecteur: voici la première version de la présentation de cette histoire: Nordine Amrani se rendait au commissariat pour y être interrogé (on ignore à quel sujet, bien qu’on ait retrouvé dans son appartement le corps d’une femme âgée sauvagement assassinée). Etant donné que cet homme avait déjà purgé plusieurs peines de prison pour détention d’armes, de stupéfiants et pour violences sexuelles, il ne comptait certainement pas sur l'indulgence de la police. C’est la raison pour laquelle il a pris un fusil d’assaut et des grenades (et cela dans une Europe calme et paisible!) et s’est rendu sur la place centrale de Liège pour lancer des grenades et tirer sur tout ce qui bouge. Pour l’instant, trois personnes seraient décédées (une autre est dans un état grave). Puis, il a apparemment mis fin à ses jours en retournant son arme contre lui. Et avant cela il avait transféré de l’argent à sa bien-aimée en lui exprimant son amour. Bref, un poète est mort.

Et maintenant, on raconte la même histoire en ajoutant dans la première ligne un seul mot: Arabe. En fait, beaucoup de journaux refusent délicatement de mentionner quoi que ce soit concernant l'ethnie du tireur. Mais sa photographie est jointe, et ce n’est certainement pas un Belge d’origine. Alors, votre attitude envers la situation a-t-elle changée?

Un homme avec un fusil qui tire des rafales sur tout ce bouge, c’est un sujet plus courant aux Etats-Unis, un drame qui se déroule dans une école ou une université américaine. La vengeance d’un cancre. Les Européens n’agissent pas de la sorte. Mais si on se souvient de l’affaire Breivik, le raciste norvégien qui a récemment ouvert le feu sur une foule de personnes de diverses ethnies… Cela arrive parfois.

Mais Nordine Amrani n’a laissé aucune instruction disant qu’il voulait punir indirectement Breivik. Il ne pensait probablement même pas à lui.

Et désormais, un test de contrôle. Mardi, c’est-à-dire dans la même journée, dans la magnifique ville de Florence, ce n’est pas un Arabe, mais Gianluca Casseri, âgé de 50 ans a lancé un raid sanguinaire similaire sur la Piazza Dalmatia. Il n’avait pas de grenades mais un Magnum-357. Il a tué deux commerçants sénégalais, en a blessé deux autres et s’est suicidé. Il était également poète, appréciait Tolkien et écrivait et publiait des livres.

Le vent avant la tempête

Le fait que toute l’Europe soit au courant de l’incident de Liège et que pratiquement personne ne sache rien de celui de Florence est facilement explicable. Le nouveau premier ministre belge Elio di Rupo et le roi Albert II avec son épouse se sont rendus à Liège. Et cette histoire a été également condamnée par le président du Conseil européen Herman Van Rompuy, le président du Parlement européen Jerzy Buzek et bien d’autres. Le tireur de Florence recevra certainement sa part de condamnations à titre posthume, mais les leaders européens ne peuvent pas se précipiter d’un endroit à l’autre.

On sentait depuis longtemps que l’Europe n’était plus la même que quelque années auparavant. Il s’agit de l’état d’esprit des Européens, de l’atmosphère. Ceux qui connaissent l’histoire russe devraient le comprendre: l’attente de la tempête et de la fin du monde à Saint-Pétersbourg à la veille de 1917, l’épidémie de suicides, l’intérêt morbide pour des incidents sanglants, et bien d’autres. Sachant qu’après 1917, trois morts dans la rue n’étaient plus du tout un scoop.

L’Europe vit en pressentant la fin du monde depuis longtemps, mais n’a pas envie de le reconnaître. La fin de quoi concrètement? De l’une des bases du mode de vie européen, c’est-à-dire d’une retraite généreuse, et avant cela – de la semaine de travail de 5 jours et d’autres joies qui étonnent le reste du monde. Car la crise de la dette actuelle en Union européenne implique plusieurs années d’austérité, de chômage et de pauvreté relative. Par exemple, le taux de chômage au Royaume-Uni est de 8,3%, dont 1 million de jeunes. A l’époque soviétique, on faisait dans ces cas des remarques sur la crise générale du capitalisme.

Dans l’ensemble, la crise est bien là. Du moins la crise du mode de vie européen, la catastrophe du rêve européen. Et elle se manifestera progressivement partout, en commençant pas l’effondrement de la conviction européenne sacrée que les normes et le système social européens sont les meilleurs du monde. Cette conviction a fléchi depuis longtemps. De même que la version caricaturale de la même idéologie: la conviction des Américains de leur exclusivité. Mais il ne faut pas se réjouir et considérer la Russie comme un "havre de paix": la crise est en fait générale pour tous, pas seulement pour les Européens. Simplement, elle se manifeste différemment.

En ce qui concerne les fusillades là où les Européens sont confrontés aux étrangers sur leur territoire, ou les étrangers aux Européens – ce n’est qu’une coïncidence. Ce n’est pas l’essence de la crise, c’est sa particularité, bien qu’elle mérite qu’on la comprenne et qu’on lui accorde de l’attention. Les gens quittaient leurs patries arabes au profit de la prospérité et la culture de la tolérance, puis il s’est avéré que de nombreux problèmes, sur lesquels personne n’a encore voulu se pencher sérieusement, étaient survenus. Ces gens ne retourneront certainement pas dans leurs pays d’origine, et il est difficile de répondre à la question de savoir ce qu’ils feront en Europe par la suite. Et c’est loin d’être une question seulement européenne.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction."

Extrait de RIA NOVOSTI par NOSE CDE CHAMPAGNE.