la solidarité des faibles

J’avoue n’être pas un fana de télé (et c’est un euphémisme).

J’ai tout de même noté cette semaine dans mon hebdo préféré deux émissions qui valent qu’on s’attarde un peu devant la lucarne : « Silence dans la vallée », documentaire de l’excellent Marcel Trillat (F2 jeudi 4 à 22h55) et « la solidarité des faibles » dont je reproduis ci-dessous la critique.

Francis

CUBA, UNE ODYSSÉE AFRICAINE. DOCUMENTAIRE. ARTE.

Mardi 2 Mercredi 3 octobre à 20h45.

Jihan EI Tahri est une réalisatrice au talent reconnu à l'échelle internationale.

Parmi ses documentaires récemment diffusés sur nos antennes, « la Maison des Saoud », « l'Afrique en morceaux: la tragédie des Grands Lacs», «Israël et les Arabes» témoignent de sa rigueur.

Cette fois, pour «les Mercredis de l'histoire», elle revient sur trente années d'engagement cubain aux côtés des jeunes nations africaines qui défendent leur indépendance.

Le film s'ouvre par une accolade. Celle de Nelson Mandela et Fidel Castro. La scène se passe en juillet 1991. La première visite officielle du leader de l'ANC, Nelson Mandela, sorti en février des prisons de l'apartheid sud-africain, est pour Fidel Castro à La Havane.

Ce n'est pas un hasard. Castro et Che Guevara sont considérés comme des héros en Afrique. Mandela est venu le dire au « lider maximo ». En pleine guerre froide entre les deux blocs, américain et soviétique, 500 000 Cubains sont venus soutenir les peuples en lutte pour leur indépendance et contre le néocolonialisme des anciens empires qui s'installe en Afrique, avec un œil sur les richesses naturelles.

L'Afrique devient un enjeu. Cela n'a pas cessé. En 1960, peu de temps après la révolution cubaine, le Congo porte aux affaires Patrice Lumumba, une figure de l'indépendance dans un pays occupé par la Belgique. L'arrivée de ce nouveau premier ministre est insupportable pour les États-Unis, d'autant que celui-ci a le regard tourné vers l'Est. Lumumba est assassiné au Katanga. Un fort retentissement dans le monde et un choc à Cuba où une bonne partie de la population revendique ses origines congolaises.

Che Guevara débarque au Congo, accueilli comme une légende, porteur des valeurs de l'internationalisme, de « la solidarité des faibles », comme il dit. Ce ne sera pas franchement un succès. Mais les soldats cubains, de 1961 à 1989, en Angola, en Guinée, apporteront leur aide aux mouvements de libération.

Avec force documents d'archives et témoignages inédits, ce film permet d'appréhender l'importance de cette odyssée.

Claude BAUDRY  claude.baudry@humanite.fr

Disponible en version intégrale, 3 heures, chez Acte Arte vidéo (www.artevod.com)

Comments

[Pedro]

En effet Francis

Vasco Gonçalves restera sans conteste comme une des grandes figures de la Révolution des Oeillets d'une intégrité sans faille et d'une grande clairvoyance politique dans une période pleine de contradictions. Et il a en effet joué un rôle essentiel dans le processus de décolonisation, ainsi que beaucoup de ses collègues du Conseil de la Révolution comme l'Amiral Rosa Coutinho par exemple.

C'est toute la puissance de l'alliance peuple-MFA qu'ils illustraient, cette alliance qui aura été le moteur de la Révolution.

Je garderais toujours en mémoire ces travailleurs et ces paysans pleurant à chaudes larmes lors du meeting où il a annoncé sa démission.

Le destin a voulu qu'il meure quelques jours seulement après Alvaro Cunhal, c'est dire comme tout un pan d'histoire est parti en moins d'une semaine!

Et ce film a aussi le mérite non négligeable de tordre le cou à beaucoup d'insanités répandues sur CUBA et Castro dans les médias occidentaux !

Et Mandela savait très bien ce qu'il faisait et pourquoi en allant rendre visite en premier à Fidel !

Pedro

[Francis]

Merci Pedro pour tes commentaires qui nous éclairent, notamment sur le rôle joué par Soares. Nous avons souri à l’évocation du pouvoir « marxiste », mais le gouvernement Gonçalves, même s’il n’a vécu qu’une année, n’était sans doute pas pour rien dans l’accession à l’indépendance des colonies portugaises.

J’ai particulièrement apprécié la clairvoyance et l’audace des Cubains, sur le plan militaire comme sur le plan diplomatique : imposer la présence des Cubains à la table des négociations, il fallait le faire… et cette façon de défier les USA et l’Afrique du Sud (et l’URSS )!... On comprend effectivement cette accolade de Mandela à Castro…

Concernant le nombre de victimes cubaines en Afrique, je cite Jacques-François Bonaldi :"[I]Environ 10 000 ont péri en Angola, un secret bien gardé à Cuba…" Une simple rectification qui me semble de taille : le chiffre exact et officiel des Cubains morts en Angola est 2077. Je ne sais d’où l’auteur tire ces 10 000 ! J’ignore aussi de quel "secret" il s’agit : les chiffres ont été publiés et les victimes ont eu droit à l’hommage du peuple cubain et du gouvernement une fois le retrait d’Afrique conclu...
Il n’y eut jamais 450 000 combattants cubains à la fois en Angola : il en est passé autant durant les quinze ans où Cuba est restée à défendre l’Afrique ! Les chiffres cubains exacts sont : plus de 380 000 combattants et 70 000 coopérants civils. [/I]»

En dépit de ses limites (nobody is perfect...), c’est certainement un des meilleurs documentaires que la TSF nous ait donné à voir depuis des lustres ![Img]:url://storage.canalblog.com/91/29/341809/17693788_p.jpg[/Img]

[Esteban]

Oui Pedro, je m'excuse pour mon erreur, c'était en effet du Congo que je voulais parler.

Esteban

[NOSE]

Effectivement, tes précisions sur les "relations" MPLA/UNITA/FRELIMO/Révolution des Oeillets (et son sinistre Mario Soares !) sont décisives.

Je me permets de confirmer ce que tu dis, ayant suivi de très près cette période (ce qui m'a coûté 8 dents, entre autres).

Quant au Che au Congo, il faudra un jour faire un travail fouillé et approfondi pour bien savoir ce qui s'est passé et comment. Mais il me semble que comme pour la Bolivie, ce que le Che et les cubains ont semé sur place lève lentement et sûrement.

NOSE

[Pedro]

Compañero Esteban

En effet un film bien fait, documenté, avec plusieurs points de vue mais qui montre surtout, et même des représentants de l'empire sont obligés de le reconnaître, que l'engagement de Cuba n'était pas dicté par des intérêts mercantiles et que la politique internationaliste de CUBA n'a jamais été déterminée par l'U.R.S.S. .

Cependant quelques précisions

Ce sont les congolais, et non les angolais mon cher camarade, qui craignaient la réaction US que pourrait déclencher la présence du Che.

Pour la bonne et simple raison que Le MPLA avait à l'époque des dirigeants avec une formation politique bien plus consistante que celle dont disposaient les dirigeants de la guérrilla congolaise au début des annes soixante.

à l'image d'ailleurs de Amilcar Cabral, qui a connu mon père, et qui était marxiste n'en déplaise à son frére dont j'ai trouvé les déclarations dans ce film pas très dignes.

Que le Che, assassiné en 1967 ne pouvait pas être en Angola pendant les années 70.

Et le militaire américain que tu évoques est en fait le sinistre Général sud-africain Malan chef des opérations en NAMIBIE et ANGOLA.

Ensuite le film, s'égare un peu concernant l'Angola et la période de la décolonisation suivant la Révolution des Oeillets :

Oser parler d'un gouvernement "marxiste" en parlant du gouvernement issu de la Révolution au Portugal est à minima fantaisiste pour ne pas dire plus, en sachant que le Ministre des Affaires étrangères de ce gouvernement avait pour nom Mario Soares, secrétaire-général du P.S. et fossoyeur en chef de la Révolution des Oeillets et que c'est lui qui conduira la délégation portugaise à la conférence de Alvor en janvier 75 sur la décolonisation de l'Angola.
C'est d'ailleurs ce "dangereux marxiste" qui, sur l'exigence de Frank Carlucci, ambassadeur US et haut-fonctionnaire avéré de la CIA, imposera l'UNITA à la table des négociations alors que ce mouvement n'est à l'époque même pas reconnu par l'Organisation de l'Unité Africaine comme mouvement de libération !

Fait reconnu par l'intéréssé ainsi que par le haut-commissaire nommé par le Mouvement des Forces Armées, l'amiral Rosa Coutinho.
Soares a même admis garder encore des affaires communes avec le sieur Carlucci depuis cette époque ( business is business ! )

Et c'est par la pression des USA favorisant la surenchère du FNLA ( bras armé des USA par MOBUTU interposé ) et de l'UNITA ( bras armé de l'Afrique du sud de l'apartheid ) que les négociations déboucheront sur un status quo entérinant de facto la partition du territoire de l'Angola contre l'avis du haut-commissaire cité plus haut.

Pour déboucher ensuite sur le conflit que l'on connaît.

Mais que le début de la fin de l'apartheid se situe au moment de la décolonisation surgie de la Révolution des Oeillets d'autant plus qu'émerge alors sur la frontière nord-est de l'Afrique du sud un Mozambique indépendant par la main de la FRELIMO, mouvement de libération progressiste lui-aussi.

Voilà j'espère ne pas avoir été trop long

um grande abraço

Pedro