LA GRÈVE
FRANCESCA
SOLLEVILLE
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Dessin Ernest Pignon-Ernest
LA GRÈVE
(P. Grosz – C. Chevalier)
Je travaill’ depuis dix-huit mois
Du côté de Choisy-le-Roi
Dans un atelier qui fabrique
Des composants électroniques
Au début j’ai pensé : quell’ chance
D’avoir un travail, quand j’y pense
Mêm’ si ça ne paie pas beaucoup
Avec ce chômage après tout…
Et puis, emportée dans la danse
Du rendement et des cadences
J’ai commencé à déchanter
Sans oser le manifester
Mais le jour où sur tout’s les lèvres
Un seul cri a jailli : la grève !
J’ai crié avec les copines
Qui venaient d’occuper l’usine :
C’est la grève – la grève !
Faut qu’on la gagne ou qu’on en crève
Et je dirai même entre nous
Vaut mieux manger des pomm’s de terre
Rester debout
Tenir le coup
Que manger du bifteck
Mais se mettre à genoux,
Messieurs les patrons, devant vous !
La vie quotidienn’ s’organise
Les maris lavent les chemises
C’est eux qui font les commissions
Nous qui menons la discussion
A mesur’ que la lutt’ s’avive
Je comprends mieux ce qui arrive
Que plus dure sera la bagarre
Plus grand’ sera notre victoire
J’apprends la solidarité
Pour nous des chanteurs vienn’nt chanter
Des inconnus pour nous se privent
Pour mieux nous aider à survivre
La lutte s’amplifie encore
Dans la rue nous allons alors
Et les gens-bien tout étonnés
Plissent le nez : mais qu’est-c’ que c’est ?
C’est la grève – la grève !
Faut qu’on la gagne ou qu’on en crève
Et je dirai même entre nous
Vaut mieux manger des pomm’s de terre
Rester debout
Tenir le coup
Que manger du bifteck
Mais se mettre à genoux,
Messieurs les patrons, devant vous !
Et puis un jour on a gagné
On se regarde tout étonnées
Magnifique ou bien dérisoire
Cett’ victoire est notre victoire
Je me retrouve à l’atelier
Seul’ment quelque chose a changé
J’ai compris que dans toute lutte
C’est aussi pour moi que ça lutte
Et quand la télé nous endort
Avec ces messieurs Bouche d’or
Moi j’ne pers jamais ma confiance
Je me dis à part moi : patience !
On va subir ce qu’on pourra
Jusqu’à c’qu’on en ait jusque là
Car c’est vraiment pas par plaisir
Qu’un jour on en arrive à dire :
C’est la grève – la grève !
Faut qu’on la gagne ou qu’on en crève
Et je dirai même entre nous
Vaut mieux manger des pomm’s de terre
Rester debout
Tenir le coup
Que manger du bifteck
Mais se mettre à genoux,
Messieurs les patrons, devant vous !
trouvé dans la discothèque de Francis