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LE PIGEON BLEU
24 novembre 2007

L’Algérie, c’est beau

mais vu du Sacré-Cœur

M’apprendre à tuer

quand je veux t’aimer

« 60/62 », chanson écrite par Eddy Mitchell et Papadiamantis



Au moment où nous revisitons notre histoire pour mieux nous projeter dans l’avenir d’un projet communiste mobilisateur, il est bon de rappeler que, même si nous ne sommes pas exempts de critiques, y compris sur l’anticolonialisme, nous n’avons pas à rougir de notre histoire.

D’ailleurs, est-ce un hasard, si l’ensemble des archives de direction (Comité central, Bureau politique, Secrétariat), des supports papiers aux microfilms en passant par les enregistrements sonores, a été numérisé, classé et mis à disposition des chercheurs et du public ?
Existe-t-il un autre cas de dépôt dans un service public de fonds d’archives d’une organisation politique ?

Ces fonds sont considérés comme une source d’une richesse inestimable par de nombreux historiens, chercheurs en sciences sociales et politiques, en France comme à l’étranger.

Est-ce un hasard aussi si l’Humanité est le seul quotidien français à offrir un libre accès à ses archives, disponibles depuis les éditions de 1990 ?

Voici donc un article paru le 19 février 1992.



LA PLAIE TOUJOURS OUVERTE

http://www.humanite.fr/1992-02-19_Articles_-LA-PLAIE-TOUJOURS-OUVERTE

C’est là-bas qu’eut lieu une des plus fortes manifestations contre le départ des appelés en Algérie. Le film de Tavernier y a donc d’abord été présenté, d’autant que nombre de ses témoins sont de la région Trente ans après, ils n’ont rien oublié et parlent

De notre correspondante permanente, Floriane Benoit

Le film-témoignage de Bertrand Tavernier et Patrick Rotman sonde le cœur et la conscience de 28 soldats dont les vingt ans affrontèrent, non sans dommages, la guerre d’Algérie.

Après trente années de silence quasi total sur un conflit qui n’osait pas dire son nom et qui a pourtant concerné, de 1956 à 1962, plus de deux millions et demi de jeunes Français, cette œuvre, à la manière d’un scalpel manié avec dextérité, rouvre donc un dossier toujours brûlant (1). L’authenticité des témoignages recueillis frappe d’emblée ; ceux des partisans de l’Algérie française et/ou de la colonisation, comme ceux des communistes - partis à contrecœur dans l’espoir de faire partager sur le terrain leur condamnation de la guerre - ou des réfractaires, en passant par la foule des fils d’ouvriers et de paysans qui n’ont jamais su ce qu’ils étaient allés faire « là-bas ». Nul doute que l’énorme travail d’interviews effectué avec l’aide de Patrick Rotman - cinquante heures de rushes ramenées à trois heures cinquante-cinq de film - ait joué en faveur de ce qui s’impose comme un grand moment de cinéma-vérité.

Le réalisateur, intéressé « non par l’événement, mais par le quotidien qu’une guerre engendre », s’est délibérément limité à un matériau brut, celui de témoignages, de documents d’époque personnels (photos notamment), de messages radiodiffusés de soldats à leurs proches, ou de la une d’un journal reproduisant l’appel de François Mitterrand à défendre l’Algérie française… Le mélange est détonant, car, entre les visages des « gus » d’il y trente ans et ceux d’aujourd’hui, tout autant que le temps, la guerre a frappé. Il y a ceux qui manquent à l’appel, comme Henri Girard, tué accidentellement par sa propre grenade. Ceux qui « sont au bord du gouffre », ou dans le trou, comme ce musicien de jazz dont l’esprit s’est égaré à vouloir fuir en vain les souvenirs de torture. Ceux pour qui, comme Serge Puygrenier amputé d’une jambe, « la guerre d’Algérie c’est tous les jours » et dont la femme finira par lâcher : « Je vis aussi avec une jambe en moins. » Serge Puygrenier, dont les vingt ans aux traits fins et au regard clair n’ont pas résisté.

De ces récits lourds d’un vécu tragique émergent soudain des moments d’une rare intensité. La caméra, avare d’effets gratuits, a su saisir les regards qui vacillent, se replient, les lèvres qui tremblent. L’ombre qui passe dans les yeux du paysan Noël Trouilloud - qui avait refusé de partir autant par conviction qu’en raison « des foins à couper » -, lorsqu’il revoit « ces pauvres gars, qui étaient là prétendument pour pacifier, tués comme des lapins ». La bouche du « macar » (l’immigré de l’époque), Gaétan Esposito, qui se tord, avant de cracher : « Comment ma mère a supporté mon absence ? Je vais vous dire : elle en est morte. » La moue écoeurée du partisan de l’Algérie française, Séraphin Berthier, face aux exactions « dégueulasses » de l’OAS, et son retour douloureusement lucide sur lui-même, lorsqu’il finira par se rendre compte qu’il a vécu « la merde, un truc complètement inutile, la connerie de la guerre ». Le désarroi sur le visage du communiste Ezio Goy, lorsqu’il avoue que, « en situation de sauvegarder sa vie », il aurait pu « être contraint à des positions contraires aux idées qu’on défend ». La panique qui submerge l’ouvrier catholique Jean Manin à l’évocation « des cris qu’on entendait jour et nuit dans le camp », et la force de sa révolte lorsqu’il accuse : « Ceux qui m’ont envoyé là-bas m’ont rendu complice des tortures, de la mort, et je ne le leur pardonnerai jamais. J’ai une plaie qui ne se refermera pas. »

Le traumatisme est d’autant plus marqué que, hormis les partisans sans condition de l’Algérie française, dont certains avouent crûment avoir vécu la guerre comme « une aventure » (Michel Pétrone, ancien légionnaire) ou « le Far West » (Bernard Loiseau, aujourd’hui cadre supérieur), la plupart sont partis contraints et forcés. La voix d’Eddy Mitchell le rappelle, « L’Algérie, c’est beau/ mais vu du Sacré-Cœur/ M’apprendre à tuer/ quand je veux t’aimer » (2). Il faut imaginer ces soldats - « C’était pauvre, se souvient Gaétan Esposito, on venait de la rue, du quartier, de la campagne » - brutalement confrontés à la mort à peine débarqués, s’affolant au son des balles, tirant au moindre bruit et vivant des mois, des années, dans la peur, la panique. Au point qu’il a « fallu enlever des armes à des rappelés, c’était les nerfs qui lâchaient » (René Donazzolo). Le coeur y était d’autant moins que nombre de départs s’étaient effectués sous le signe de la réticence collective, comme à Port-Vendres, où les rappelés ont chanté « le Déserteur » et salué la levée des couleurs françaises la crosse à l’air…

Que le film soit d’abord sorti en exclusivité sur les écrans grenoblois n’est pas un hasard. Non seulement la totalité des témoins, appelés et rappelés de 1956 à 1962, vivent dans la région grenobloise, mais Georges Mattei y a mené l’enquête préliminaire, parce que c’est dans la capitale dauphinoise qu’eut lieu, le 18 mai 1956, l’une des plus importantes manifestations contre le départ des appelés. Une manifestation qui a marqué la plupart des témoins. Ezio Goy est celui qui a tiré la manette, immobilisant le train en partance. Séraphin Berthier, parti contre-manifester « avec des socialistes Guy Mollet et des monarchos », a renoncé : « On s’est retrouvé à quinze face à des manifestants mille ou deux mille fois plus nombreux. » César Delbello, qui jetait des sacs de ciment sur le garde mobile qu’il retrouvera plus tard à la FNACA (Fédération nationale des anciens combattants d’Algérie). Quant à l’officier Jacques Bec, qui a vu dans cette manifestation organisée par les mères et les fiancées une « manipulation », et qui dira, avec un regard fuyant, que la « gégène, à douze volts, c’est pas bien méchant », il appelle malgré lui au pacifisme lorsqu’il laisse échapper, excédé : « Ce sont les hommes politiques qui décident des guerres. Si on ne veut pas d’atrocités, on ne fait pas de guerre ! »

(1) Côté cinéma, il n’y a guère eu, notamment, qu’« Avoir vingt ans dans les Aurès », de René Vautier, et, beaucoup plus tard, « R.A.S. », d’Yves Boisset.

(2) « 60/62 », chanson écrite par Eddy Mitchell et Papadiamantis.

Posté par Francis

L’Algérie, c’est beau

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Commentaires
K
écrit apparemment d'Afrique du Sud.<br /> <br /> Sawubona Souad [Héééhooo]
P
Tu peux me rappeler ce que j'ai pu écrire le 22 octobre 2006? La mémoire me fait défaut.
N
Pour une fois, je crois que personne ne se plaindra que nous tirions la couverture à Souad !<br /> Fraternellement, et avec nos plus beaux souvenirs de cette terre et de ce ciel et leurs parfums...<br /> <br /> NOSE
P
Souad <br /> pour sûr beau pays combien de potentiel et combien de drames :<br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=9j0L57HJkm4[Héééhooo]
S
l algerie c mon payer .vive l algerie. souad mahdjoub
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