JACQUES Pâris de Bollardière
DE BOLLARDIÈRE
Le Général qui a dit NON à la torture
Le 29 novembre dernier a été inauguré à Paris (7e et 15e arr.), sur décision du conseil municipal unanime, le carrefour Général-de-Bollardière. La plaque choisie porte pour seule mention “Compagnon de la Libération”, en rappel des titres de résistance décernés à cet officier français, le plus décoré par les alliés. Mais si le nom de Bollardière reste attaché à l’honneur militaire et à l’honneur tout court, c’est en raison de sa dénonciation de la torture pendant la guerre d’Algérie - une position qui valut à son auteur deux mois de forteresse. Jacques Pâris de Bollardière est décédé le 22 février 1986, en Bretagne, seul officier supérieur à ne pas avoir été réintégré dans ses droits à la suite de la loi de réhabilitation de novembre 1982.
Pascale DAVID |
JACQUES Pâris de Bollardière est né à Chateaubriand (Loire-Atlantique) le 16 décembre 1907. Entré en 1927 à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, il en sort en 1930 avec le grade de sergent-chef : c’est déjà une sanction, que lui ont infligée des supérieurs qui n’ont pas apprécié l’esprit libre et contestataire dont il a fait preuve lors de son passage à l’école. En 1939, il est lieutenant à la Légion Étrangère dans le Sud marocain ; il reçoit le baptême du feu à Narvick et est promu capitaine durant la campagne de Norvège.
Résistant de la première heure, il rejoint l’Angleterre en juin 1940 - il est condamné à mort (par contumace) par le régime de Vichy -, et participe à tous les combats des F.F.L (Gabon, Erythrée). avec la 13e Demi-brigade de la Légion Étrangère. En avril 1944, il commande la mission Citronnelle dans le maquis des Ardennes. Jacques de Bollardière a été le soldat le plus décoré de la France libre : grand officier de la Légion d’honneur, compagnon de la Libération, Croix de guerre 1939-1945 (cinq citations), deux fois décoré du DSO britannique (Distinguished Service Order) et Officier de l’ordre royal de la Couronne de Belgique...
Une carrière militaire dans les commandos
Après deux ans dans le corps expéditionnaire français (1946-48) en Extrême-Orient, il commande de 1950 à 1953 les troupes aéroportées en Indochine. Après 1953, il est instructeur à l’École de Guerre. En 1956, il est muté en Algérie, et, en juillet de la même année, il est nommé général. A 49 ans, il est le plus jeune général de l’armée française. Pendant plusieurs mois, il expérimente à la tête des “commandos nomades”, (ou commandos noirs) des actions de liaisons avec les zones les plus coupées de l’administration. Les volontaires de ces commandos signaient un engagement par lequel ils s’engageaient « sur l’honneur, à respecter la règle des nouveaux commandos nomades : tout musulman sera considéré par moi comme un ami, et non comme un suspect, sauf preuve du contraire ... ». Ce type de collaboration entre civils et militaires reposait notamment sur des chantiers, qui employèrent jusqu’à 3000 hommes.
Mais entre temps, le commandement change de main dans le département d’Alger et les opérations de « maintien de l’ordre », dévolues au général Massu et à la 10e D.P de Parachutistes font rage lors de la Bataille d’Alger (janvier 1957). Ces opérations - arrestations et exécutions sommaires, tortures... - conduisent Jacques de Bollardière à dénoncer les procédés en vigueur dans la recherche du renseignement. Le 28 mars 1957, il demande à être relevé de son commandement en Algérie.
Seul officier supérieur opposé publiquement à la torture
Le 15 avril, il est frappé de 60 jours d’arrêts de forteresse, après avoir pris position publiquement, dans la presse (“l’Express” du 27 mars 1957 ; “le Monde” du 29 mars 1957), contre la pratique banalisée de la torture. Avec La Question, écrit en prison par Henri Alleg, directeur du journal Alger Républicain, dans lequel il dénonce ses conditions de détention et le supplice de Maurice Audin - paru aux Editions de minuit, le livre est aussitôt interdit, en mars 1958 - la protestation du général de Bollardière a été l’une des rares dénonciations publiques de la torture, et la seule émanant d’un officier supérieur. [...]
Après le putsch d’Alger en avril 1961, il démissionne définitivement de l’armée d’active, en protestation contre le soulèvement d’une partie de l’armée contre le pays.
La voie de la non-violence
Il s’est par la suite distingué par ses prises de position en faveur de la non-violence, en réponse à la question qu’il se posait depuis sa rupture avec l’armée : comment résoudre les conflits par des voies qui respectent l’Homme ? La parution, en 1971, du livre de Jacques Massu, la vraie bataille d’Alger, dans lequel il justifie le recours à la torture, pousse Bollardière à publier Bataille d’Alger, bataille de l’homme (DDB, 1972), avec lequel il va donner plusieurs conférences en France, à l’appui d’une philosophie de la non-violence qui a profondément marqué tous ses engagements ultérieurs. Il est co-fondateur du Mouvement pour une alternative non-violente. Il s’est opposé aux essais nucléaires français à Mururoa en juillet 1973, a soutenu les paysans bretons anti-nucléaires et ceux du Larzac en conflit avec l’armée. Il soutient les objecteurs de conscience victime d’une répression accrue entre 1977 et 1981.
En février 1978, il est mort d’un cancer généralisé, avec la sérénité d’un homme qui, toute sa vie, s’est beaucoup battu.
P. David
témoignage Réunion
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