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LE PIGEON BLEU
19 juin 2008

Afrique du Sud : Retour aux fondamentaux

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Retour aux fondamentaux :

Reconstruire l’organisation, s’attaquer au clientélisme et à la corruption

Pour mettre en échec le fléau de la xénophobie

Blade Nzimande, Secrétaire Général du S.A.C.P. ( Parti Communiste Sud-Africain )

La vague actuelle d'agressions xénophobes doit faire l’objet de la condamnation la plus unanime de la part de tous les Sud-Africains. C’est pourquoi le SACP a tenu à exprimer sa plus ferme condamnation de ces attaques. Non seulement ces attaques sont aussi barbares qu’inhumaines, mais elles donnent une image extrêmement choquante et très embarrassante pour les Sud-Africains, tant à l'intérieur du pays qu'internationalement. C'est particulièrement vrai pour ceux d’entre nous qui avons pu bénéficier d’un si vaste élan de solidarité internationale. Peut-être d’ailleurs que l’un des buts de ces barbares agressions perpétrées contre nos frères et sœurs africains, pauvres et ouvriers, consiste à saper le prestige international de l'Afrique du Sud et ses peuples.

Exprimer notre plus vive réprobation ne saurait suffire, il nous faut dès à présent avoir une action puissante et visible tant sur le court que sur le moyen terme. Une des premières mesures à prendre est une application ferme et résolue de la loi ainsi que des mesures préventives légales pour mettre un terme à cette situation.

Cependant, la protection et les mesures de sécurité publique ne constituent pas à elles seules les réponses adéquates. Nos organisations, en particulier l'alliance ( référence à la triple alliance ANC-SACP- COSATU, centrale syndicale – pilier de la Révolution Démocratique Nationale, ndt ) et des formations communautaires progressistes, doivent instamment marquer leur présence dans les secteurs affectés pour contribuer à isoler ceux qui se trouvent derrière ces actions barbares afin de discuter avec eux. Le SACP a effectivement chargé ses structures provinciales d’œuvrer précisément en ce sens. Notre direction nationale engagera des forces au côté des structures provinciales pour s’assurer que ces tâches sont menées à bien.

Nous devrions considérer ces événements comme une piqûre de rappel pour toutes nos formations, mais aussi pour  les structures de sécurité de l'Etat. Ils nous imposent une réflexion profonde très sérieuse, non exempte de critique et d'autocritique. Comment se fait-il qu'aucune de nos structures politiques ou communautaires n’ait pu avoir connaissance de tels plans aussi graves d’agressions contre des « étrangers » ? Comment se fait-il que les services de renseignements de l’Etat aient pu être à ce point pris au dépourvu ? En outre, pourquoi, même après les premiers incidents en Alexandra qui suivaient des événements antérieurs à Tshwane et dans certains secteurs du Cap Occidental, avons-nous été dans l’incapacité d'empêcher de tels actes xénophobes et de les laisser s'étendre à Ekurhuleni et dans d'autres parties de Johannesburg ?

Pour répondre à ces questions, il nous faut analyser certaines des causes sous-jacentes à cette xénophobie et à ses manifestations violentes actuelles.

La violence entre pauvres : les faillites des programmes d’ajustement structurel et du capitalisme prédateur

Comme nous avons pu le déclarer déjà auparavant, les Programmes d'Ajustements Structurels Économiques (ESAPs) imposés par le FMI à pratiquement toute l’Afrique Australe depuis les années 1980, ont été un échec complet.

Depuis 1994, beaucoup d'ouvriers et de paysans immigrés dans notre pays, comme bien d’autres travailleurs, ont émigré (légalement et illégalement) en Afrique du Sud démocratique, surtout comme réfugiés économiques à la recherche de meilleures opportunités pour des gagne-pain durables.

Malgré les nombreux mais modestes acquis de notre démocratie depuis la rupture démocratique de 1994, notre propre programme d'ajustement structurel, GEAR (Growth, Employment and Redistribution – Croissance, Emploi et Redistribution, ndt ), n’a pas réussi à faire reculer le chômage ( le chômage s’est en réalité dramatiquement accru entre 1996 et 2006 ) et a miné notre capacité à construire un état développé. Il a plutôt favorisé l’émergence d’un État-providence, avec maintenant plus de 12 millions de personnes comptant pour vivre sur les aides sociales de toutes sortes.

La confusion politique et économique au Zimbabwe a augmenté la pression migratoire sur l'Afrique du Sud afin d’absorber des réfugiés économiques supplémentaires de ce pays, ainsi que de bien d'autres pays.

La conséquence concrète de ces événements a été de voir les secteurs les plus démunis de la société sud-africaine devoir cohabiter avec les populations pauvres de notre région. C'est arrivé de deux façons. Premièrement, ce sont les communautés les plus vulnérables qui, de façon informelle, ont dû partager leurs maigres ressources spatiales avec ces communautés immigrées miséreuses. La bourgeoisie et les classes moyennes ont été épargnées par l’impact de l'échec de l'ESAPS dans notre pays et par celui particulier de la crise au Zimbabwe et ils se sont littéralement protégés derrière les hauts murs de leurs banlieues cossues. Les élites des autres pays dans notre région n’ont pas eu non plus à supporter le fardeau principal de cette confusion économique et politique.

Deuxièmement, il y a eu une régionalisation rapide des forces du travail en Afrique du Sud, particulièrement pendant les 8 à 10 dernières années, avec une transformation croissante de la division du travail dans certains des secteurs clefs de notre économie. Le capitalisme Sud-Africain a exploité sans relâche la vulnérabilité des ouvriers venant du reste de l’Afrique Australe, le plus souvent aux dépens directement des ouvriers sud-africains, en leur payant des salaires d'esclave et en les soumettant à des conditions de travail en violation flagrante des lois du travail en vigueur en Afrique du Sud.

Ces faits n’ont pas été atténués mais plutôt aggravés par le rôle, non pas de locomotive du développement, mais de prédateur joué par le capital privé Sud-Africain dans la région. Beaucoup d’entreprises Sud-Africaines qui investissent dans le continent ont tiré grand profit des faiblesses du marché du travail local pour maximiser leurs profits et ne contribuent que très peu aux objectifs majeurs de développement de notre région.

Ce ne sont certainement pas les pauvres de l’Afrique Australe qui viennent prendre aux travailleurs et miséreux Sud-Africains leurs emplois et leurs moyens de subsistance, mais les pratiques de prédateur du capitalisme, tant en Afrique du Sud que dans le reste du continent.

L’enseignement que l’on peut en tirer est que tout discours sur la « renaissance africaine » qui ne s’accompagne pas de mesures économiques radicales afin de changer les conditions de vie des pauvres et des travailleurs et de s’attaquer aux méthodes prédatrices du capitalisme sur notre continent, n’est rien d’autre qu’un nouvel et « moderne » opium du peuple, une attitude de complaisance qui ne débouche sur aucune politique de transformation.

L’économie politique au niveau des Etats de l’Afrique du Sud (1)

La flambée de violence actuelle constitue aussi une illustration de la réalité contradictoire de notre système de collectivités locales avec ses avancées et ses reculs. Depuis la rupture démocratique de 1994, notre gouvernement central a en effet mis en place beaucoup de services locaux et changé la nature antidémocratique des collectivités locales que nous avions héritées de l’apartheid.

Ces avancées se sont cependant accompagnées de nouvelles pratiques de corruption et de clientélisme, qui ne concernent hélas pas que le niveau local, mais aussi celui des gouvernements provinciaux et national, et qui les ont remises en question ( 1- L’Afrique du Sud est composée de plusieurs états ou provinces disposant de gouvernements provinciaux en plus d’un gouvernement national, ndt ).

Si la plupart de nos élus accomplissent un travail remarquable au service de nos populations, un nombre significatif d’élus de l’ANC ( Conseil National Africain, parti au pouvoir allié du SACP, ndt ) sont devenus si corrompus que leurs comportements portent sérieusement atteinte aux acquis engrangés depuis 1994. Par exemple, pourquoi des attributions de logement sont faites par des élus plutôt que d’être traitées collégialement par les conseils municipaux et les commissions appropriées ?  Comment se fait-il que dans certains cas, les recrutements pour des projets ou services municipaux soient traités personnellement par des élus ? Dans trop d’endroits, ces élus s’affranchissent du contrôle des conseils municipaux et des organismes concernés et desservent les intérêts de notre peuple.

Ils sont devenus ni plus ni moins que des « caciques » dans leurs collectivités ( le terme Indunas employé fait référence aux chefs coutumiers, ndt ) et ces collectivités ni plus ni moins que des outils à leur service. Il nous faut assumer le fait que beaucoup de ces pratiques ont cours dans des collectivités contrôlées par l’A.N.C.. Certains de nos élus perçoivent indûment des pots-de-vin et attribuent abusivement des logements à des gens qui ne sont pas prioritaires, qu’ils soient Sud-Africains ou non d’ailleurs !

Ces méthodes corrompues créent un terreau fertile pour les conflits intra-communautaires et la xénophobie, attisés par des élites locales réactionnaires et anti-ANC arc-boutées dans la mise en œuvre de leurs mesquins objectifs politiques.

Notre critique principale à l'ANC avant sa 52ème Conférence Nationale de Polokwane ( qui s’est tenue du 16 au 20 décembre 2007 et a vu l’élection à sa présidence de Jacob ZUMA et la défaite de Thabo M’BEKI, ndt ) était qu’il s’est trouvé confisqué par ce que nous avons appelé « le Projet de Classe de 1996 », qui est une alliance entre les secteurs du capitalisme national et mondial, les couches émergentes de la petite bourgeoisie noire, encouragée par des groupes de nos propres cadres occupant des positions clefs au sein de l'Etat. Une des conséquences les plus dommageables de cette situation a été la démobilisation des organisations de l’ANC et la « colonisation » de l'ANC par l’appareil d’Etat. Cela a transformé l'ANC en simple machine électorale et l’a coupé du quotidien des luttes de la majorité écrasante de ses membres et de ses diverses composantes.

La violence actuelle contre des « étrangers » est une singulière illustration de l'affaiblissement et de la « quasi-décrépitude » des structures de l'ANC sur le terrain et de leur incapacité à mener des luttes collectives progressistes comme à détecter les menées réactionnaires contre nos frères et sœurs africains.

Ces événements montrent non seulement un ANC incapable de mobiliser les masses en dehors des campagnes électorales, mais aussi un SACP particulièrement affaibli. La faiblesse du SACP sur le terrain illustre l’effet combiné de la marginalisation du SACP inspiré par le projet de classe 1996 et des politiques globales d’alliances qui ont amené un certain nombre de nos organisations, en collaborant avec le projet de classe 1996 dominant dans l'ANC et l'Etat, à y être finalement assimilées. Cela s'est produit dans de nombreux endroits du pays.

Toutes ces caractéristiques spécifiques de la politique et de l'économie de l'Afrique du Sud ont grandement contribué à l'affaiblissement de nos structures organisationnelles.

La contre-révolution

Il est clair que derrière ces attaques violentes concertées et organisées se trouve un plan d’action contre-révolutionnaire, visant à jeter le discrédit sur l'ANC dans l’optique des élections nationales devant se tenir l'année prochaine. C'est une campagne bien orchestrée, exploitant les frustrations très réelles des plus pauvres de nos concitoyens.

Il est en effet plausible que ces forces contre-révolutionnaires exploitent ce qu'elles considèrent comme des « divisions » dans l'ANC et la relative « incertitude » de cette période transitoire entre la Conférence Nationale de Polokwane et les élections 2009. C’est aussi un moyen de tester la force, la capacité de résistance et l’aptitude tant de l'ANC que de l'Etat à résister à de telles pressions.

La question fondamentale à laquelle nous devons répondre est de savoir dans quelle mesure nous avons réussi à démobiliser les forces contre-révolutionnaires au pouvoir dans les années 1980 au début des années 1990 et à changer les conditions sociales de notre peuple que ces forces du passé ont su exploiter ? La vague actuelle de violence ressemble en beaucoup de points aux flambées de violence du début des années 1990, particulièrement dans le Gauteng ( un des Etats composant l’Afrique du Sud, ndt ).

Comme au début des années 1990, les foyers de travailleurs pauvres ( hostels ) semblent constituer le centre névralgique où sont organisées et déclenchées les violences actuelles.

L'urgence de mettre un terme à cette situation est encore renforcée par le danger réel que ce type d’émeutes puisse se propager sous la forme de conflits inter-ethniques entre les Sud-Africains eux-mêmes.

Il est donc légitime de considérer cette flambée de violence non pas comme simplement de la xénophobie, mais comme s’inscrivant dans une offensive contre-révolutionnaire qui vise notre mouvement et s’attache à miner tous les acquis gagnés par notre démocratie.

Que faire ?

Une action forte et immédiate des forces de sécurité est indispensable pour mettre un terme à ces agissements avec en particulier l’arrestation et la punition des criminels. Il est également essentiel que nos organisations coopèrent avec les services de police dans l'appréhension de ces criminels.

Il est simultanément capital, qu’à la lumière de cette tragédie, nous procédions à une franche et honnête évaluation de l'état de nos organisations, afin d’identifier le déclin qui commençait à les frapper et d’entamer un processus rigoureux de reconstruction de  l’ensemble de nos structures locales dans tout le pays.

Dans ce processus de reconstruction de nos organisations, il est important aussi de savoir quel type de structures et d’organisation nous souhaitons privilégier auprès de nos forces militantes. Faut-il par exemple, revivifier la SANCO ( South African National Civic Organisation – structure nationale regroupant les « civics », associations des habitants des townships et autres quartiers défavorisés, ndt ) ou construire de puissants comités de quartier pour former le nouveau noyau révolutionnaire de l'organisation populaire, ou les deux à la fois ?

Quelle que soit la voie que nous choisirons, il est essentiel de se concentrer sur la construction de comités de quartier, qui représente une nouvelle occasion d'organiser et de mobiliser nos communautés pour combattre la criminalité et de constituer les nouveaux noyaux révolutionnaires qui nous permettront de poursuivre notre programme de développement local.

Il est aussi important que soit intensifiée l'organisation des ouvriers précaires et des travailleurs informels plus vulnérables. Cela suppose une stratégie volontariste visant à s’assurer que tous les ouvriers de chaque région sont organisés dans des syndicats. Voilà qui bâtira un socle plus puissant pour lutter contre ces employeurs exploitant la vulnérabilité de ces ouvriers originaires des autres pays de l’Afrique Australe et contribuera à forger une solidarité de classe entre les travailleurs, sur leurs lieux de travail et au-delà.

Asikhulume!! ( Parlons-en ! ! ! en zoulou )

http://www.sacp.org.za/main.php?include=pubs/umsebenzi/2008/vol7-08.html

Traduction Pedro DA NOBREGA

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Commentaires
R
qui connaissent ce poète indien fondateur d'un système éducatif en 1901,à Bolpur, université aujourd'hui reconnue...<br /> <br /> Pour ceux qui apprécient...<br /> <br /> <br /> Mes chants <br /> Ce sont les mousses flottantes : <br /> Elles ne sont pas fixées <br /> Sur leur lieu de naissance ; <br /> Elles n'ont point de racines -- seulement des feuilles -- seulement des fleurs. <br /> Elles boivent la lumière joyeuse <br /> Et dansent, dansent sur les vagues. <br /> Elles ne connaissent pas de port, <br /> N'ont point de moisson, <br /> Hôtes inconnues étranges ! incertaines en tous leurs mouvements. <br /> Et quand soudain les pluies tumultueuses de Crâvana <br /> Descendent en nuages sans fin, <br /> Noyant les rivages de leur flottant déluge, <br /> Mes mousses-chansons <br /> Soudainement sans repos, inspirées d'une vie sauvage, <br /> Recouvrent tous les chemins de l'inondation, <br /> Plongent dans la poursuite qui n'a plus de chemins, <br /> Flottent de terre en terre, <br /> De régions en régions, <br /> Mes chansons ! <br /> [Héééhooo]
R
Je ne suis pas un adepte de Ghandhi, et sa philosophie de non violence est souvent un appel à une forme de statuquo ou du bon vouloir de l'autre , mais certaines citations méritent d'être connues...<br /> <br /> [G][I]« La règle d'or de la conduite est la tolérance mutuelle, car nous ne penserons jamais tous de la même façon; nous ne verrons qu'une partie de la vérité et sous des angles différents. »<br /> <br /> « La force ne vient pas des capacités corporelles; elle provient d'une infaillible volonté »<br /> <br /> « Colère et intolérance sont les ennemis d'une bonne compréhension »[/I][/G]<br /> <br /> Roger
E
"[I]C'est tout une philosophie,donner ce qui ne coute rien... et surtout ne pas remettre en cause la société![/I]"<br /> <br /> Comment répondre à cette généralité à double sens ?<br /> C'est le langage des sages. Le ronronnement perpétuel de l'inconsistance...tout le monde à tort tout le monde à raison...[Salut]
R
Poème de Ghandhi: le sourire<br /> <br /> Un sourire ne coute rien et produit beaucoup<br /> Il enrichit ceux qui le reçoivent <br /> Sans appauvrir ceux qui le donnent <br /> Il ne dure qu'un instant <br /> Mais son souvenir est parfois éternel <br /> Personne n'est assez riche pour s'en passer <br /> Personne n'est assez pauvre pour ne pas le mériter <br /> Il crée le bonheur au foyer, soutient les affaires <br /> Il est le signe sensible de l'amitié <br /> Un sourire donne du repos à l'être fatigué <br /> Rend du courage aux plus découragés <br /> Il ne peut ni s'acheter, ni se prêter, ni se voler <br /> Car c'est une chose qui n'a de valeur qu'a partir du moment où elle se donne <br /> Et si quelquefois vous rencontrez une personne qui ne sait plus avoir le sourire <br /> Soyez généreux, donnez lui le votre <br /> Car nul n'a autant besoin d'un sourire que celui qui ne peut en donner aux autres….<br /> <br /> <br /> C'est tout une philosophie,donner ce qui ne coute rien... et surtout ne pas remettre en cause la société!<br /> <br /> Roger
E
[I]Faits et arguments de la littérature impérialiste, support d'étais des penseurs sages...[/I][Ange]<br /> <br /> [G]GANDHI[/G]sent les autres...
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