REVERS HISTORIQUE DES LIQUIDATEURS DE RIFONDAZIONE COMUNISTA ( PRC) EN ITALIE
On ne peut pas faire comme s'il ne s'était rien passé de l'autre côté de "nos" Alpes ces derniers temps. Surtout que ce qui s'y est passé nous intéresse effectivement à plus d'un titre. Il y a nos considérations plus ou moins internes, mais il y a surtout pour moi ce principe fort qu'il faut porter sans défaillir et qui est celui de l'internationalisme et donc de la solidarité entre les communistes qui se revendiquent comme tels. C'est pourquoi, sans en partager la totalité des propos mais en approuvant le fond général, j'ai transcopié cet article de Gilles QUESTIAUX ici, après en avoir corrigé un certain nombre de maladresses d'expression qui le rendaient difficile à lire.
NOSE DE CHAMPAGNE
"Ces réflexions s'appuient sur la lecture des articles de Gaël De Santis, dans l'Huma, qui couvrait le congrès de Chianciano Terme (et qui a une manifeste préférence pour l'option 2 qui a perdu, celle d'une "constituante de gauche », menée par Niki Vendola, gouverneur des Pouilles lire ici), et l'info glanée sur les sites de "l'Ernesto " et de "Rezistenze". Voir aussi sur "Vive le PCF "la défaite des liquidateurs au congrès du PRC »
La situation des communistes en Italie est à bien des égards instructive pour nous, communistes français. Sans sous-estimer les différences, nous assistons dans les deux pays au même processus post-communiste de dilution-liquidation-adaptation au capitalisme des appareils issus des anciens PCI et PCF. En Italie, il est allé plus vite et plus loin, puisque l'essentiel de l'appareil historique du PCI a évolué à tel point qu'il est devenu le Parti démocrate de Veltroni, qui n'est même plus de gauche, et dont le nom qu'il s'est choisi montre l'alignement sur la tradition politique libérale américaine. Sur ce processus, voir l'étude historique de Pierre Laroche ici. Les communistes italiens qui ont refusé à l'époque le reniement post-communiste du marxisme et de la classe ouvrière, et se sont regroupé dans le PRC, où les ont rejoints les militants légalistes les mieux organisés de l'extrême gauche, d’où est issu le nouveau secrétaire du parti, Paolo Ferrero, qui vient d'être élu. En Italie la liquidation du PCI a été rondement menée, par son groupe dirigeant opérant par surprise, et profitant du désarroi qui a suivi l'effondrement de l'URSS, au congrès dit de la "Bolognina" en 1991. Il faut remarquer que le PCI avant cette date était complètement indépendant de l'URSS, et que son appareil lui était même carrément hostile, mais que la base restait sentimentalement attachée aux pays socialistes. Le PRC est donc constitué à l'origine d'un mélange instable de groupes gauchistes et du courant pro-soviétique du PCI. Son leader historique, qui a bien failli dernièrement l'amener à la ruine, Bertinotti, vient quant à lui du parti socialiste. Depuis 1991, le PRC a beaucoup investi dans les luttes anti-globalisation, aux dépens sans doute de son enracinement dans la classe ouvrière en Italie. Mais il faut constater, quand même, qu'il arrive à trouver dans ses rangs un ancien ouvrier de 47 ans comme dirigeant. Au PCF, il faudra choisir un dirigeant de la génération précédente pour obtenir le même résultat. Enfin, dernière singularité, le PRC était organisé en tendances: il n'y avait pas au congrès du PRC de "base commune" officielle approuvée par la direction sortante, comme ce sera le cas en décembre 2008 au PCF, mais des motions qui se présentent sur un pied (théorique) d'égalité.
En 1998, une scission a eu lieu entre les partisans de Bertinotti qui dirigeaient le parti et qui avaient retiré leur soutien au gouvernement de centre gauche de D'Alema, et indirectement favorisé ce faisant le retour de Berlusconi au pouvoir, et ceux de Cossuta, dirigeant historique du PCI, qui voulait rester dans la coalition à n'importe quel prix. Il semble que les deux formations aient inversé aujourd'hui leur positions sur ce plan. Il faut noter que le PDCI qui vient de tenir aussi son congrès a choisi à 75% une "constituante communiste", c'est à dire un congrès de réunification avec le PRC et les milliers de communistes sans carte qui s'organisent autour de l'appel lancé sur Internet "Communistes, commençons par nous mêmes". Seul l'Ernesto (motion 3) a répondu favorablement à cette main tendue. Elle semble avoir été mise entre parenthèse pour gagner le congrès. En terme électoral, l'influence du PRC représente deux à trois fois celle du PDCI.
Les élections qui viennent d'avoir lieu en avril et qui ont vu le retour au pouvoir de Berlusconi avec un programme de droite dure et décomplexée ont été un désastre pour les deux partis, qui avaient formé avec les Verts, et un sous groupe de l'ex PCI-ex PDS- ex DS qui refusait la mutation définitive en parti démocrate, la coalition "Arc en ciel" qui préfigurait la "chose rouge", le nouveau parti de "gauche", la "nouvelle formation" que l'ont voulait nous proposer ici aussi à l'issue du score calamiteux de Marie George en 2007. Le résultat est sans équivoque; les trois formations qui existaient en 2006 avaient obtenues 11%, l'Arc en Ciel est tombé à 3%. Les deux partis communistes avaient environ 150 parlementaires à la chambre et au sénat, ils n'en ont plus aucun, faute de passer le seuil qui est, je crois, de 4%.
Après cette claque historique, le groupe dirigeant du PRC ne pouvait pas gagner du temps pour noyer le poisson et esquiver ses responsabilités comme le groupe dirigeant français l'a fait avec son "double congrès", déqualifié en ANE suite aux protestations de la base. Il avait ajourné illégalement le congrès statutaire du PRC dans la phase de préparation des élections pour lancer la "chose arc en ciel", et mis en place une structure parallèle, sous la forme d'un collectif informel de fans rameutés par les médias, censés appeler à grand cris à la grande fusion de la "Gauche". Il ne pouvait pas se dérober davantage, à moins de faire exploser le parti.
Au congrès de Chianciano Terme qui vient de se tenir du 24 au 27 juillet en Toscane, il y avait 4 motions : la 1 : celle qu'appuyait Ferrero, qui était pourtant ministre du gouvernement Prodi, coalition de la tendance marxiste "être communiste" et d'une partie du groupe dirigeant qui a compris l'évidence : même en termes purement électoraliste ou opportuniste, l'option post-communiste est suicidaire. Elle l'est, parce que cette option a été préemptée par les liquidateurs de 1991, qui en ont tiré tous le profit possible, et ils ont abouti à la déchéance totale en formant le parti démocrate qui participe avec Berlusconi à la chasse aux Roms. Une grande partie de la rhétorique des refondateurs français, les développements à la Roger Martelli ou à la Lucien Sève, oublient tout simplement ce fait : c'est trop tard pour jouer la partition de Gorbatchev ! L'orange a été mangée, il ne reste que la peau.
Cette motion critique ou autocritique explicite de la tentative de "dépassement" du communisme dans "l'Arc en ciel" a réuni 40% des mandats.
La motion 2 , que soutenait Bertinotti (grand notable européen, ancien président de la chambre en Italie, et du PGE) Vendola (gouveneur des Pouilles, poste obtenu sur le tapis vert en négociant avec le centre gauche, et non en renforçant l'influence électorale du parti dans cette région historiquement peu communiste), est constituée par les "refondateurs" gauchistes associatifs post-modernes à la française, et par la partie obstinée dans l'erreur, ou crypto-anticommuniste, du groupe dirigeant qui considère que l'échec de "l'Arc En Ciel" ne s'explique que par la conjoncture, et qui persiste dans le projet de "constituante de gauche". Il faut noter que la partie a été serrée (et l'est encore, du coup, car les perdants sont tentés de refuser la défaite): la motion 2 a frisé la victoire avec 47%, même s'il y a des soupçons de fraude en leur faveur (cf. l'Ernesto). Ils refusent de participer au nouvel exécutif et reprochent maintenant à la nouvelle direction de manquer d'esprit unitaire en ayant formé une coalition à 51% alors qu'ils auraient pu avec eux former une majorité à 87%. Rossana Rossanda, dirigeante historique du PCI puis du groupe maoiste "Il Manifesto" s'est démenée pour essayer cette fusion du communisme et du post-communisme. Les perdants du congrès déblatèrent maintenant, tout dépités, dans la presse bourgeoise. Ils tentent de stigmatiser la victoire du communisme au PRC comme une "régression culturelle", pas moins! Paolo Ferrero, le nouveau secrétaire, loin d'être un extrémiste pourtant (il appartient à l'Eglise protestante vaudoise!), répond que les stratégies des motions 2 et de la coalition des trois autres motions étaient incompatibles, ce qui clôt la question. Mais il est très net que ce sont ceux qui veulent faire disparaître le communisme, ou le réduire à un courant culturel, qui s'accrochent en désespoir de cause à l'aspect le plus dégénéré du centralisme démocratique, c'est à dire aux tentatives de faire pression pour produire l’unanimité au détriment du contenu des déclarations et de la clarté de la stratégie. Le comble, c'est que l'injonction à noyer le poisson et à passer sous silence les divergences se fait au non de "la différence " ou "des différences"! En Italie, comme en France, les "staliniens" ne sont donc pas les porteurs d'une idéologie stigmatisée par l'ignorance et la mauvaise foi comme "stalinienne", mais ceux pour qui les chefs ont toujours raison, surtout quand ils se trompent ou quand ils vous payent.
La motion 3 avec 8 %, est celle proposée par nos camarades de l'Ernesto, qui sont en contact avec les diverses composantes de l'opposition communiste du PCF. Ce résultat décevant qui s'explique par le vote utile pour une direction alternative pour appliquer une ligne communiste, est compensé par l'accord politique qu'elle a obtenu avec la motion 1, qui se fait dans un sens très net de relance du communisme en Italie, et pas seulement symbolique (les communistes italiens sont très attaché à la faucille). L'Ernesto produit des analyses politiques claires et très valables et utilisables en France aussi.
Je n'ai pas d'info précise sur la motion 4, mais je crois qu'elle était animée par un groupe trotskysant. Les trois motions (1, 3, 4) ayant conclut un accord, la déclaration finale a été votée, et le nouveau secrétaire a été élu dans des scrutins serrés mais non contestés.
Le réaction scandalisée et négative de la presse de gauche italienne montre a contrario le succès réel des anti-liquidateurs en Italie (jusqu'à un certain point, l'indignation de la presse bourgeoise peut servir de critère pour repérer une bonne inflexion de la ligne!).
Enfin, dernière remarque : la victoire de la coalition 1-3-4 n'est pas définitive, les partisans de la constituante de gauche ayant décidé de poursuivre leur projet en septembre. Si ces intentions se concrétisent, il devra y avoir une scission (oh! quelle violence! halte au retour des gardes rouges de « Réveil Communiste »!), et une recomposition avec les communistes du PDCI et de l'appel « commençons par nous même » sera nécessaire.
Détail qui n'en est pas un : Bertinotti a conservé une remarquable popularité. Elle témoigne de l'amour de transfert des militants aux dirigeants, qui s'en servent pour les mener n'importe où, comme le joueur de flûte les enfants de Hamelin, amour qui, qu'on le veuille ou non, est un invariant du vécu collectif dans les organisations politiques, surtout à ambition révolutionnaire. Amour inévitable, qui prend parfois des aspect ridicules, et qu'il faut savoir déplacer à temps! (ceci à l'intention de ceux qui ne voient pas le coté révolutionnaire de Freud Staline ou contre Hue, si du temps de leur splendeur on leur donnait du "Jo" ou du "Bob" affectueux.
Mais les communistes italiens ont peut être aussi exprimé par leur standing ovation leur soulagement de le voir partir, et leur reconnaissance pour sa démission! Et Fausto vieux Renard, sait qu'il pourra revenir, si la nouvelle équipe se prend les pieds dans le tapis. Tandis que Bob qui s'est accroché tant qu'il a pu peut toujours essayer, au PCF.
Gilles QUESTIAUX, 30 juillet 2008, sur le site de Réveil communiste