GWADLOUPÉYEN ! DOUBOUT KONT PWOFITASYON ! YO SINYÉ !
« Plus le peuple comprend, plus il devient vigilant, plus il devient conscient qu’en définitive tout dépend de lui et que son salut réside dans sa cohésion, dans la connaissance de ses intérêts et de l’identification de ses ennemis. » Frantz FANON (Les Damnés de la Terre).
Au 44ème jour de grève générale, le protocole de fin de conflit a été signé à Pointe-à-Pitre dans la soirée du mercredi 4 mars.
La grève générale qui a démarré le 20 janvier est donc suspendue, mais la lutte continue ! Car cette première victoire n’est qu’un début.
En effet, le Medef local, qui obéit, personne n’en doute, aux ordres de Mme Parisot, a refusé de parapher cet accord sur les salaires. Une disposition du code du travail (cela a été confirmé par les « médiateurs ») permet l’extension de l’accord à toutes les entreprises, dans tous les secteurs d’activité. Lyannaj kont pwofitasyon (collectif qui regroupe une cinquantaine d’organisations – dont le PS, ne le dites pas à Besancenot-) qui sait bien les pressions exercées et les tentatives de division, compte davantage sur les luttes que sur une procédure auprès du ministre du travail : aujourd’hui encore, les salariés d’entreprises affiliées au Medef étaient en grève et manifestaient, notamment dans les grandes surfaces (Carrefour, Décathlon, Kiabi, Mr Bricolage, Champion …). D’autre part, les négociations sur la baisse des prix des produits de première nécessité (100 familles de produits) se poursuivent. Patronat et pouvoir misaient sur un pourrissement : ils ont été surpris par la capacité des Guadeloupéens à mener aussi longtemps un mouvement aussi dur, qui a su sur la durée obtenir un soutien massif de la population. Les provocations n’ont pourtant pas manqué : il y eut l’assassinat de Jacques Bino, responsable CGTG et LKP, dont les circonstances restent à éclaircir… puis les propos du président du MEDEF Guadeloupe accusant le LKP de comportements violents pouvant entrainer un déchirement du pays « comme le firent les Tutsis et les Hutus » ! Dans le même temps, un « béké » (blanc descendant des colons esclavagistes) dirigeant d’un important groupe de distribution tenait des propos racistes sur une chaine télé. Ces propos ont provoqué une large indignation et entrainé la mise au point de la part des dirigeants du LKP qui ont rappelé que « la société guadeloupéenne s’est construite sur des rapports de race et de classe depuis 400 ans. En Guadeloupe actuellement, au sommet de la pyramide, on retrouve les blancs et les européens, au bas de l’échelle se situent les nègres et les indiens. La paix sociale ne peut exister dans un pays quand la majorité d’un peuple est exclue - Et aujourd’hui en Guadeloupe, 99,99% des chômeurs sont des guadeloupéens d’origine africaine et indienne! » Les communistes estiment que les « inégalités sociales accrues et mépris raciste forment un cocktail explosif. Cette crise sociétale vient surtout de l’impasse dans laquelle nous a enfermés le système colonial départemental. Un système qui a certes maintenu une part importante de la domination économique des capitalistes békés mais qui y a ajouté une forte pénétration du capital français. » Le Parti Communiste Guadeloupéen qui, à son XIè congrès en février 2008, a appelé à la construction d’un Front Patriotique pour un Etat Autonome de Guadeloupe, « invite toutes les forces politiques, sociales et culturelles, toutes les personnalités guadeloupéennes, engagées dans le combat pour l’émancipation de la Guadeloupe, à poursuivre le mouvement du «Liyannaj » sur le terrain politique. » Mon court séjour ne m’a placé au cœur des évènements. J’étais dans une région « calme » et ce que j’ai vu de la grève générale ressemblait à cela : Avec tout de même, la première semaine, un barrage routier tous les 500m environ : pierres, vieux appareils ménagers, arbres tronçonnés, carcasses de voitures (en l’absence d’un centre de traitement sur l’île, les épaves ne manquent pas)… et même un tractopelle renversé en travers de la route !... Donc impossibilité de se déplacer autrement qu’à pieds (ou à vélo). Approvisionnement du petit « lolo » impossible, on a donc vu les rayons se vider de jour en jour… mais les pêcheurs ramenaient quotidiennement plusieurs daurades coryphènes (1m50 et 30 Kg en moyenne) et les vendeurs de fruits et légumes étaient toujours au rendez-vous. La deuxième semaine a vu la levée de la plupart des barrages. Cette situation difficile que les guadeloupéens ont connue pendant six semaines n’a pas entamé leur soutien au mouvement. Dans les discussions que j’ai pu avoir avec les gens du pays, j’ai toujours senti une sympathie à son égard. J’ai même été très surpris par certaines personnes que je connais bien pour leur « conservatisme » depuis une quinzaine d’années que je me rends en Guadeloupe : un soutien total et une prise de conscience des changements profonds qui s’annoncent témoignent du bouleversement engendré par ce mouvement. J’ai souvent entendu cette remarque : « Plus rien ne sera comme avant ! » N.B. Les photos des manifs sont extraites de http://ugtg.org et de http://presseoutremer.skyrock.com/ Dernière minute : je viens d’entendre en direct sur Canal 10 Elie Domota, porte-parole du LKP, déclarer que la mobilisation continue plus que jamais et commence à porter ses fruits. Le Medef semble avoir implosé : sa fédération du BTP a signé l’accord, idem pour l’industrie sucrière,… on commence à se rendre à l’évidence…