CESSE DE ME BLÂMER
Cesse de me blâmer,
Pour l’amour de l’amour
Qui unit ton âme à
Celle de ta bien-aimée ;
Pour l’amour de ce qui
Joint l’esprit à la tendresse
D’une mère, et lie ton
Cœur d’un amour filial. Va,
Et laisse-moi à mon
Cœur en larmes.
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Laisse-moi naviguer sur l’océan de
Mes rêves ; attends que Demain
Vienne, car Demain est libre de
Faire de moi ce qu’il entend. Ton
Ereintement n’est qu’une ombre
Qui marche avec l’esprit vers
La tombe du désarroi, et lui
Montre la terre froide et solide.
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J’ai un petit cœur en moi,
J’aime à le sortir de
Sa prison et l’emmener sur la
Paume de ma main pour le sonder
En profondeur et extraire son secret.
Ne pointe pas tes flèches vers lui, de crainte
Qu’il n’aie peur et disparaisse avant qu’il
Ne répande le sang du secret comme un
Sacrifice sur l’autel de sa
Propre foi, qui lui fut accordé par Dieu
Quand Il le façonna avec l’Amour et la Beauté.
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Le soleil se lève, le rossignol
Chante et la myrte livre
Son parfum dans l’espace.
Je veux me libérer du sommeil
Capitonné du mal. Ne me
Retiens pas, toi qui me blâmes !
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Ne me chicane pas en parlant des
Lions de la forêt ou des
Serpents de la vallée, car
Mon âme ne connaît nulle peur sur terre et
N’accepte aucun présage du mal avant
Qu’il n’advienne.
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Ne me conseille pas, toi qui me blâmes, car
Les malheurs m’ont ouvert le cœur,
Les larmes m’ont dessillé les yeux et
Les erreurs m’ont appris le langage
Des cœurs.
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Ne me parle pas de bannissement, car la Conscience
Est mon juge ; elle me justifiera
Et me protègera si je suis innocent, et
Me refusera la vie si je suis criminel.
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Le cortège de l’amour est en marche ;
La beauté agite sa bannière ;
La jeunesse fait sonner la trompette de la joie ;
Ne dérange pas ma contrition, toi qui me blâmes.
Laisse-moi marcher, car le chemin est riche
De roses et de menthe, et l’air
Embaume la propreté.
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Epargne-moi le récit des richesses et
De la grandeur, car mon âme est riche
De bonté et grande de la gloire de Dieu.
Ne parle pas des gens, des lois et
Des royaumes, car la terre entière est
Ma patrie, et tous les humains sont
Mes frères.
Eloigne-toi de moi, car tu m’ôtes
Le repentir qui soulage et n’apportes
Que de vaines paroles.
Khalil GIBRAN, immense poète ciotadéen Libanais.
(in « Rires et larmes »Edition « Mille et une nuits » N°377)
transmis par NOSE DU SUD DE LA MARNE & DU SUD DE LA CHAMPAGNE.