À PROPOS DE PAIX EN PATESTINE ET DE POLITIQUE ALLEMANDE ET EUROPEENNE... ETC.
Lettre ouverte au Parti de gauche
allemand ("Die Linke")
AUTEUR: Des militants de gauche
israéliens, suivie d'une prise position de Mohssen Massarrat Traduit par Michèle Mialane.
Edit・par Fausto Giudice
Dans
une lettre ouverte en date du 26 mars 2010 adressée à la « Linke »
une bonne centaine de militants israéliens posent comme préalable à toute
solution pacifique et solidaire du conflit israélo-palestinien une politique de
gauche et solidaire. Ils se montrent préoccupés du tour que prend le débat
autour de ce conflit au sein de la « LINKE ». Ils demandent à ce
parti de prendre clairement position contre la politique d’occupation et
de plaider en faveur d’une pression sur l’État d’Israël jusqu’à qu’il respecte
les droits humains élémentaires des Palestiniens et Palestiniennes. C’est le
seul moyen de rétablir la paix dans la région, y compris pour Israël.
Concrètement,
on pourrait cesser toute exportation d’armes à destination d’Israël, interdire
en UE toute importation en provenance des colonies juives et mettre en œuvre
les conclusions du rapport Goldstone.
Parmi
les signataires on trouve les professeurs de l’Université de Tel Aviv Moshe
Zuckermann, Yehuda Shenhav et Gadi Elgazi, le réalisateur Udi Aloni, des
militantes de l’Union des Femmes israéliennes pour la Paix
Lettre ouverte à « Die Linke »
Chers
et chères camarades,
Nous
vous adressons cette lettre en tant que citoyens et citoyennes israéliens
engagés dans des groupes et organisations de gauche dans la zone
israélo-palestinienne et qui travaillent sur des sujets tels que droits
humains, écologie, pacifisme, justice sociale, droits des travailleurs,
féminismes et luttes « queer ». Nous luttons dans notre pays et notre
société pour un changement social radical, pour la fin de l’occupation et la
création d’une société garantissant les mêmes droits à tous les habitant-e-s du
pays.
Nous
nous sommes décidé-e-s à écrire cette lettre après avoir eu connaissance à
plusieurs reprises d’actions de votre parti relatifs à la situation en Israël
et Palestine : par exemple, la participation de membres éminents de votre
parti à une manifestation, en janvier 2009 à Berlin, où on demandait la
poursuite des bombardements sur Gaza ; l’existence et la reconnaissance au
sein de votre parti d’un groupe de travail fédéral (BAK Shalom) qui soutient
toutes les opérations militaires israéliennes et fait une propagande
militariste et nationaliste ; enfin le silence de la majorité de vos
dirigeants sur la politique d’occupation israélienne. Tout cela nous a poussés
à ne pas garder le silence plus longtemps et à intervenir.
Nous
sommes conscients des problèmes que pose cette intervention. Nous ne
prétendons pas vous prescrire les actions à engager et propos à tenir dans
votre pays. Nous savons que, pour des raisons graves et compréhensibles, le
discours politique sur Israël constitue chez vous un sujet sensible. Le
souvenir de l’Holocauste ainsi que la lutte, toujours d’actualité en Allemagne,
contre l’antisémitisme, comptent parmi les tâches les plus importantes de tout
mouvement d’émancipation. Ce n’est pas en dépit, mais en raison de tout cela
que nous avons de la peine à comprendre comment on peut justifier la politique
d’occupation israélienne en en faisant, en Allemagne, un élément des «leçons à
tirer de notre histoire ».
Si
nous nous adressons à vous, c’est que nous mesurons bien l’importance de la RFA la République la RFA
L’occupation
qui s’éternise et le déni des droits ne sont pas des affaires internes
israéliennes. La domination antidémocratique sous laquelle l’État d’Israël
maintient plus de trois millions de Palestiniens privés de droit de vote et les
crimes de guerre perpétrés dans les territoires occupés sont l’affaire de tous
ceux qui se soucient des droits humains. Mais surtout les citoyens et
citoyennes européens portent, en raison de leurs interventions colonialistes -
et qui perdurent - au Moyen-Orient une responsabilité particulière dans ce
conflit. Compte tenu de cela il est indéfendable d’hésiter à placer Israël
devant ses responsabilités. Le soutien économique, militaire et politique
apporté à Israël par l’UE et en particulier par l’Allemagne - par exemple par
la fourniture d’armement, par le biais d’investissements ou l’octroi à Israël
d’un statut commercial privilégié - ne contribuent pas à un règlement
pacifique, mais au contraire concourent à pérenniser l’occupation et une
répression de grande ampleur à l’encontre du peuple palestinien. Ce soutien
favorise en outre la militarisation et l’éducation au racisme et à
l’intolérance au sein de notre société.
Étant
donné la situation de faiblesse des Palestiniens, il faudrait de surcroît que
la communauté internationale exerce une pression plus forte sur Israël. Sans
une pression efficace le plus fort ne lâchera jamais ses positions.
L’État d’Israël ne cesse de donner la preuve qu’il n’est pas prêt à conclure la
paix et mettre un terme à l’occupation en l’absence d’une très forte pression
de la part de la société civile et/ou des gouvernements.
Vos
récents succès électoraux nous encouragent et nous font espérer qu’ainsi
confortés vous pourrez mettre à l’ordre du jour, en Allemagne, un nouvel agenda
en matière de justice sociale, de droits civils, de féminisme et d’antiracisme.
Nous sommes convaincus qu’une politique de gauche et de solidarité comporte
obligatoirement un agenda international et nous attendons dans ce domaine
aussi un engagement actif de votre parti dans le dialogue international avec
les forces de gauche, antiracistes et féministes. Et nous aimerions que dans ce
dialogue, auquel nous participons, votre parti adopte nos positions en ce qui
concerne le conflit israélo-palestinien.
Nous
estimons que l’État d’Israël ne doit être ni récompensé ni encouragé pour
l’occupation de la Palestine
- Stopper toute exportation d’armement
vers Israël. Le commerce de l’armement est de toute façon
injustifiable. Non contente de commercer avec un État qui viole
systématiquement le droit international, l’Allemagne le couvre de cadeaux
qui valent des milliards de dollars ; récemment Israël lui a demandé
de lui offrir deux bateaux de guerre.
- Cesser de renforcer les accords
commerciaux entre l’UE et Israël. L’Allemagne et d’autres membres de l’UE
essaient de continuer à renforcer ces accords sans exiger que leur
partenaire respecte chez lui les droits humains élémentaires. Alors qu’en
Europe cette intensification des relations est perçue comme une
amélioration du climat de confiance entre l’UE et Israël, ce pays y voit
un signe de faiblesse de l’Europe et un encouragement à poursuivre ses
violations des droits humains.
- Interdire toute importation en Europe
de produits israéliens issus en tout ou partie des territoires occupés (y
compris Jérusalem-Est).
- Exiger l’engagement de procédures
judiciaires contre les auteurs de crime de guerre en Israël/Palestine et
la mise en œuvre des conclusions du rapport Goldstone.
- Soutenir les organisations et
militant-e-s de la société civile israélo-palestinienne et surtout la
résistance non-violente et démocratique contre le Mur et les colonies
construites dans les territoires occupés.
Ces
propositions s’accompagnent pour nous de l’espoir que votre parti parvienne
à initier en Allemagne un débat sur l’importante responsabilité qui revient à
la politique allemande au Moyen-Orient. Ce devrait être un débat
favorisant une politique de paix, de justice sociale et de respect des droits
humains, fondé sur une vision qui prenne en compte de manière égalitaire
l’histoire et la vie actuelle de tous ceux qui habitent ce pays. Nous serions
heureux de pouvoir participer aux côtés de nos camarades et partenaires
palestiniens et palestiniennes aux débats menés au sein de votre parti sur ce
qui se passe dans notre région et nous espérons que cette lettre contribuera à
établir un dialogue fécond et d’égal à égal entre la gauche allemande et la
gauche en Israël/Palestine.
Salutations
solidaires,
Miriam Abed-El-Dayyem, Iris Hefetz, Yael Politi, Gadi Algazi,
Hanan Hever, Israel Puterman, Udi Aloni, Shir Hever, Hili Razinsky, Galit
Altschuler, Chaya Hurwitz, Moshe Robas, Hila Amit, Hedva Isachar, Shadi Rohana,
Roey Angel, Matan Israeli, Yehoshua Rosin, Asaf Angermann, Matan Kaminer, Noga
Rotem, Reuven Avergil, Reuven Kaminer, Eddie Saar, Gabriel Ash, Adam Keller,
Sergeiy Sandler, Danna Bader, Hava Keller, Gal Schkolnik, Roni Bande, Peretz
Kidron, Ayala Shani, Yoav Beirach Barak, Assaf Kintzer, Shemi Shabat, Ronnie
Barkan, Yana Knopova, Aviram Shamir, Yossi Bartal, Yael Lerer, Tali Shapiro,
Ofra Ben-Artzi, Orly Lubin, Fadi Shbeta, Mor Ben Israel, Adi Maoz, Ehud Shem
Tov, Elaenor Cantor, Eilat Maoz, Yehuda Shenhav, Shai Carmeli Pollack, Naomi
Mark, Mati Shemoelof, Alex Cohn, Anat Matar, Kobi Snitz, Adi Dagan, Hagai
Matar, Gideon Spiro, Silan Dallal, Edu Medicks, Roy Wagner, Yossi David, Yosefa
Mekayton, Michael Warschawski, Daniel Dokarevich Argo, Inna Michaeli, Sharon
Weill, Keren Dotan, Rotem Mor, Maya Wind, Ronen Eidelman, Susanne Moses, Yossi
Wolfson, Nimrod D. Evron, Avital Mozes, Uri Yaakobi, Eli Fabrikant, Dorothy
Naor, Sergio Yahni, Tamar Freed, Naama Nagar, Kim Yuval, Michal Givoni, Ido
Nahmias, Michal Zak, Bilha Sündermann Golan, Regev Nathansohn, Shimri Zameret,
Tsilli Goldenberg, Ofer Neiman, Mai
Zeidani
Annexe
Prise de position de Mohssen
Massarrat à l’occasion de cette lettre ouverte
Osnabrück,
le 6 avril 2010
Je
voudrais recommander très chaudement à tous ceux et celles qui s’intéressent au
problème israélo-palestinien la lecture de cette lettre ouverte adressée
par plus de 100 Israéliens de gauche au parti « Die Linke » que
je joins à cette prise de position, qu’ils appartiennent ou non à ce parti.
Cette lettre arrive à mon avis à point nommé et j’espère que la « Linke »
n’y répondra pas par le silence. Il s’agit en tout cas d’une prise de position
soucieuse adressée à la Linke
Dans
leur Lettre ouverte les auteurs laissent entendre tout à fait clairement
que faire ressortir, l’existence d’Israël à la raison d’État allemande, alors
que ce pays est une puissance atomique qui poursuit obstinément une politique
d’occupation et dépouille un autre peuple de sa dignité en lui imposant un
véritable système d’apartheid est un moyen totalement inapproprié de garantir à
terme la survie de ce pays. En se rangeant à la position dominante au sujet
d’Israël Gysi a effectivement ôté à la « Linke » la possibilité de
développer sa propre politique par rapport au conflit du Moyen-Orient, une
politique capable d’assumer la responsabilité de l’Allemagne face aussi bien à
l’Holocauste qu’au droit international et à la paix entre Israël et les
Palestiniens.
Le
résultat de cette erreur d’aiguillage de la « Linke » relativement au
conflit du Moyen-Orient est malheureusement catastrophique : d’une part la
« Linke » se fait elle aussi l’otage, en matière de politique
étrangère, de l’idéologie nationaliste qui prédomine en Israël, partageant
ainsi la responsabilité des implications contraires aux droits humains et
au droit international de cette idéologie et de sa pratique politique
(extension des colonies, occupation arbitraire, guerre expansionniste et
menaces de guerre etc.) ; d’autre part la direction de la « Linke »
accorde ainsi au courant interne néo-conservateur et pro-capitaliste une
influence considérable qui se fait sentir désormais jusque chez les chefs du
parti.
La Lettre
Source : Offener Brief an die Partei
Die Linke Article original publié le 26/3/2010 Sur Mohssen
Massarrat
Michèle Mialane et Fausto
Giudice sont membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la
diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition
d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, la traductrice, le
réviseur et la source.
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