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LE PIGEON BLEU
4 février 2011

SAMIR AMIN - L’Egypte en mouvement

Amin_Samir

L’Egypte est une  pierre angulaire dans la stratégie états-unienne de contrôle de la planète. Washington ne tolérera jamais que l’Egypte sorte de sa tutelle, qui permet à Israël de continuer la colonisation de ce qui reste de la Palestine. C’est l’unique but que poursuit Washington en s’investissant dans l’organisation d’une « transition pacifique ». Dans cette perspective, les Etats-Unis pourraient être amenés à considérer que Moubarak doit se retirer. Le vice-président récemment nommé, Omar Soliman, chef du renseignement militaire, prendrait ainsi le relais. Pour préserver son image, l’armée a pris garde de ne pas être associée à la répression.

Baradei arrive dans ce contexte. Il est toujours davantage connu hors d’Egypte que dans le pays, mais pourrait vite corriger ce défaut. C’est un « libéral ». Il n’a aucune conception de la gestion économique autre que celle qui prévaut. Il ne peut pas comprendre que c’est là que se trouvent les causes du désastre social. Il est « démocrate » au sens qu’il revendique de « vraies » élections et le respect de la légalité (l’arrêt des arrestations arbitraires et de la torture, etc.), mais rien de plus.

Il n’est pas impossible qu’il devienne un partenaire dans  la transition. Mais l’armée et les services de renseignement n’abandonneront pas leur volonté de conserver la position dominante dans la gestion de la société égyptienne. Baradei l’acceptera-t-il ?

En cas de « succès », et si des élections devaient se tenir, les Frères musulmans remporteraient probablement beaucoup de sièges au parlement. Les Etats-Unis s’en accommodent. Ils ont d’ailleurs qualifié la confrérie de « modérée », ce qui signifie en fait docile, disposée à accepter la soumission à la stratégie états-unienne et à laisser Israël libre de poursuivre son occupation de la Palestine. Les Frères musulmans sont aussi acquis à un système économique basé sur le marché et totalement dépendant de l’extérieur. Ils sont en fait une composante de la bourgeoisie « compradore ». Ils ont d’ailleurs pris position contre les grandes grèves de la classe ouvrière et les luttes des paysans pour conserver la propriété de leur terre.

Le plan états-unien pour l’Egypte est très inspiré du modèle pakistanais : une combinaison entre l’« islam politique » et le pouvoir militaire. Les Frères musulmans pourraient compenser leur alignement sur une telle politique en jouant la carte de la « non modération » vis-à-vis des Coptes. Pourrait-on délivrer un certificat de « démocratie » à un tel système ?

Ce mouvement est celui de la jeunesse urbaine, des diplômés chômeurs, appuyés par des segments des classes moyennes instruites et par des démocrates. Le nouveau régime fera peut-être quelques concessions – en élargissant par exemple les recrutements de fonctionnaires -. Pas plus.

Bien sûr, les choses peuvent changer si la classe ouvrière et le mouvement paysan s’engagent dans les luttes en cours. Mais cela ne semble pas encore à l’ordre du jour. Tant que le système économique restera soumis aux règles du jeu de la mondialisation capitaliste, aucun des problèmes soulevés actuellement  ne sera  résolu.

4 février 2011

Transmis par Pedro

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Commentaires
N
La démocratie, la démocratie, la démocratie... Oui jusqu'à un certain point.<br /> Dans ses apparences... Dans ses formes... Mais Samir AMIN nous en dit l'essentiel: çà n'ira pas jusqu'à la mise en cause des sacro-saints dogmes du libéralisme; çà n'ira pas jusqu'au nécessaire avènement d'une démocreatie économique.<br /> Et là comme presque partout sur la planète, c'est bien où le bas blesse.<br /> <br /> NOSE
J
Les Frères musulmans étant muselés depuis 80 ans (si j'ai bien compris) n'ont eu d'autre possibilité de survie que de s'infiltrer dans la classe ouvrière et paysanne, en attendant de meilleurs jours.<br /> Maintenant, comme cette classe pratique un islam simple et modéré, il y a fort à parier que ces frères musulmans ne seront pas un élément perturbateur.<br /> <br /> Et là encore, comme en Tunisie, c'est le peuple, dans sa pleine maturité, qui s'est affranchi de sa peur du pouvoir pour exiger de vivre dans la démocratie. Il ne revient donc pas aux frères musulmans de s'approprier cette Révolution populaire.[Non]
M
Et qui remet sur le métier la question de la lutte des classes !
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