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LE PIGEON BLEU
7 février 2011

Taper sur les juges , il en restera toujours quelque chose

A Saint-Denis comme à Saint-Pierre de la Réunion, le palais de justice tournera au ralenti à partir d’aujourd’hui. Et jusqu’à jeudi, toutes les audiences non urgentes seront renvoyées. Le mouvement de colère des magistrats nantais, après le discours de Nicolas Sarkozy promettant des “sanctions” et dénonçant de “graves dysfonctionnements côté justice et côté police” suite au meurtre de Laëtitia en Bretagne, s’étend dans toute la France.a “Scandaleux”, “atterrant”, “indigne”, “populisme”, “racolage” : Nicolas Sarkozy a provoqué un tollé chez les magistrats d’ordinaire peu enclins à la révolte et aux mouvements de grève. Même la haute hiérarchie de la magistrature est sortie de sa réserve en faisant part de “son inquiétude”. Ce n’est pas la première fois que le président de la République attaque frontalement les juges. En parlant une nouvelle fois haut et fort, en promettant de couper des têtes, en sous-entendant que les juges étaient laxistes, en surfant sur un sujet aussi délicat de la récidive, le président de la République est encore pris en flagrant délit de braconnage électoral sur les terres du Front national. Un plus d’un avant la présidentielle, Nicolas Sarkozy entend ramener le thème de la sécurité au cœur de la campagne et s’érige en justicier avec “le devoir de protéger la société de ces monstres”. Il avait pourtant comme ambition en 2011 de renforcer sa stature de chef d’État.

En septembre dernier, le président de la République avait qualifié de “complètement incompréhensible” la décision d’un magistrat de remettre en liberté un des braqueurs présumés du casino d’Uriage-les-Bains. En attaquant ainsi la justice, il est quasi certain de faire mouche tant le fonctionnement de l’institution est décrié par une grande partie de l’opinion publique. Et vouloir faire croire qu’une bavure judiciaire a été commise avant même qu’une enquête ait pu déterminer la moindre responsabilité est assurément une opération payante. Le plus insupportable pour les juges, ce n’est sans doute pas d’être traité de “petits pois” par Nicolas Sarkozy (octobre 2007 lors de l’émission “Vivement dimanche prochain”) mais encore une fois de faire figure de bouc émissaire tout désigné, de supporter ce perpétuel climat d’inquisition. Quand Nicolas Sarkozy parle de graves dysfonctionnements, les magistrats lui renvoient à la figure une triste réalité : la schizophrénie de sa politique sécuritaire avec toujours plus de lois et dispositifs qui s’empilent mais des moyens et des personnels qui se réduisent comme peau de chagrin. De façon trop commode, le président de la République oublie que le suivi judiciaire de Tony Meilhon, décidé pour une affaire d’outrages à magistrat, n’a pas été jugé prioritaire en raison de problème d’effectifs chez les juges d’application des peines et de conseillers d’insertion. Situation signalée à la Chancellerie. “Les sonnettes d’alarme avaient été tirées depuis plusieurs mois”, insiste le Syndicat de la Magistrature. Quoi qu’en disent certains barons de l’UMP, cette révolte des juges ne ressemble en rien à un mouvement corporatiste mené par une caste de privilégiés soucieux de s’exonérer de la moindre responsabilité ou déterminée à ne jamais rendre de comptes. Mais plutôt à l’écœurement de serviteurs meurtris qui entendent désormais mettre au grand jour toutes les coupes budgétaires qui touchent leur mission de service public.

Le plus marquant reste qu’aujourd’hui ce mouvement de fronde des magistrats est directement tourné contre la personnalité du président et pas contre une réforme ou contre des orientations politiques. Difficile également de ne pas faire le rapprochement avec les indécentes vacances tunisiennes de la ministre des Affaires étrangères qui, en pleine révolution, a profité des largesses et du jet d’un proche du dictateur déchu. “Si Michèle Alliot-Marie était magistrat, il y a longtemps qu’elle serait sanctionnée”, a d’ailleurs réagi Philippe Bilger, le médiatique avocat général à la cour d’appel. Et d’écrire sur son blog : “Je veux mettre l’accent sur une intolérable différence de traitement entre les juges et les ministres, sur la présomption de culpabilité des uns et la présomption d’innocence frénétiquement proclamée des autres”. Autrement dit, l’attitude de MAM constitue-t-elle un “grave dysfonctionnement” méritant une “sanction” ?

Jérôme Talpin

relayé par cloclo

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