Nuages sur la communication de l'Elysée
Si l'on s'en tient au communiqué officiel, publié vendredi, le Produit intérieur brut (PIB) est resté «stable», au deuxième trimestre. Dans les faits, la croissance de l'économie française a brusquement calé (+0%). C'est le plus mauvais résultat enregistré depuis deux ans, preuve de l'extrême fragilité de la «reprise» tant attendue de la deuxième économie de la zone euro. L'Insee s'était montrée à peine plus optimiste dans ses prévisions, anticipant une modeste progression de 0,2%, d'avril à juin, en net recul par rapport à un vigoureux premier trimestre (+0,9%).
Cette contre-performance tombe au plus mal, sur fond de violentes turbulences boursières, tandis que le spectre d'une rechute de l'économie mondiale, le fameux «double dip», est en train de resurgir. Sur les ondes de RTL ce vendredi, François Baroin, ministre de l'économie, a reconnu du bout des lèvres un «ralentissement conjoncturel». Tout en confirmant, droit dans ses bottes, une prévision sur l'année, qui semble désormais totalement hors de portée, à 2% en 2011. L'économie française, poussive, avait crû de 1,4% en 2010. On voit mal comment Bercy pourrait ne pas réviser à la baisse ses prévisions sur l'année en cours, et sur 2012 (fixée à 2,25%).
A y regarder de près, ce zéro pointé de la croissance française n'a pas grand-chose de «conjoncturel». Il s'explique par deux tendances de fond, peu réjouissantes. D'un côté, la consommation des ménages, le principal moteur de la croissance en France, a dégringolé, en recul de 0,7% (contre +0,4%). Au premier trimestre, la consommation avait surtout été soutenue par les ventes d'automobile, qui profitaient des derniers effets de la prime à la casse, à présent supprimée. «Cet effet était attendu. Il a été amplifié par une conjoncture internationale défavorable», s'est défendue la ministre du budget Valérie Pécresse, dans un communiqué. Quoi qu'il en soit, la faiblesse de la demande intérieure est préoccupante.
De l'autre côté, les entreprises, après avoir reconstitué leurs stocks au premier trimestre, ne les ont pas suffisamment écoulés au printemps, pour avoir besoin de les recomposer à nouveau. Si bien que les variations des stocks, qui avaient fortement soutenu la croissance du premier trimestre (+2%), ont reculé d'avril à juin (-0,1%). Là encore, la frilosité des entreprises est un motif d'inquiétude. Autre chiffre calamiteux: les exportations ont stagné sur la période (contre +1,8% auparavant), preuve, peut-être, que les politiques d'austérité menées dans plusieurs pays européens, par ricochets, sont en train de saper le dynamisme commercial du continent tout entier.
Qu'il semble loin, ce mois de mai dernier, où Christine Lagarde, ministre de l'économie en partance pour Washington et le Fonds monétaire international (FMI), se félicitait de la vigueur retrouvée de l'Hexagone: «Les moteurs de la croissance sont, pour certains d'entre eux, à leur meilleur niveau depuis trente ans», avait-elle fanfaronné, précisant, en particulier, que «la consommation est solide»... Bercy n'a cessé d'ignorer les mises en garde d'institutions (comme le FMI) et d'élus (comme le député UMP Gilles Carrez) ces dernières semaines, qui peinent à croire les prévisions officielles, concernant la croissance comme le déficit. Bon nombre d'observateurs s'inquiètent du laisser-aller budgétaire – avec un déficit attendu fin 2011 à 189 milliards d'euros (contre 55 milliards en 2007, année de l'élection de Nicolas Sarkozy). Le seul remboursement des intérêts de la dette (chiffrée à 86% du PIB) représente le troisième poste de dépenses, après l'éducation nationale et les remboursements aux collectivités locales...
Au-delà des critiques pertinentes que l'on peut porter à l'endroit de cet indicateur contestable (lire notre «boîte noire» sur les failles du PIB), la stagnation du PIB complique donc sérieusement l'agenda français, à huit mois de l'élection présidentielle. Et fragilise les promesses d'un retour du budget, à l'horizon 2013, sous la barre des 3% du PIB. Paris s'est engagé à contenir son déficit à 5,7% d'ici la fin de l'année, puis à 4,6% en 2012, avant d'atteindre les fameux 3% dès 2013. Mais quelqu'un y croit-il encore? Ce scénario résolument optimiste table sur une croissance de 2% cette année, et de 2,25% l'an prochain. En clair, la croissance zéro du deuxième trimestre est en train de mettre à terre l'ensemble des engagements budgétaires que la France a pris auprès de Bruxelles pour les années à venir...
En temps normal, cela serait gênant. Dans la période actuelle de tempête financière et de spéculation sur les dettes de la zone euro, la nouvelle pourrait s'avérer redoutable. L'exécutif le sait. Le président doit arrêter, lors d'une réunion le 24 août, une batterie de nouvelles mesures d'économies, qui pourrait inclure la suppression d'une série de niches fiscales. François Baroin, ce vendredi sur RTL, a en tout cas assuré qu'il n'était pas question de relever, ni la TVA, ni l'impôt sur les sociétés. Il va de soi qu'une dégradation de la note française, par l'une des trois principales agences de notation, plomberait encore un peu plus les perspectives des comptes français: s'il perdait son «triple A», note financière suprême, Paris verrait les taux auxquels il emprunte grimper un peu plus, et donc grever un peu plus son budget.
in: Mediapart .
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