Une justice à la rue !!!
Les procureurs de la République ont attiré solennellement l'attention, jeudi 8 décembre, sur « la gravité de la situation des parquets » en termes de statut, de moyens et d'insécurité juridique. La Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) a présenté, lors d'un point presse au palais de justice, une « résolution » qui appelle le pouvoir exécutif à promouvoir un nouveau statut garantissant leur indépendance, à cinq mois de l'élection présidentielle.
Il s'agit d'une démarche sans précédent dans ce corps de métier composé de magistrats nommés par le chef de l'Etat et qui sont hiérarchiquement soumis par leur statut actuel au ministère de la justice. « Magistrats à part entière, les procureurs de la République appellent à la mise à niveau de leur statut (...) afin de répondre aux nécessités d'une justice impartiale et de permettre d'établir la confiance des citoyens », dit le texte de la résolution.
La résolution a été signée à ce jour par 126 procureurs sur 163, soit les trois quarts des procureurs de France. Les signataires dépassent largement le nombre d'adhérents de cette association, à savoir environ 70. Le CNPR a été créé il y a une dizaine d'années pour permettre la réflexion des procureurs et porter leur parole, a précisé son président, Robert Gelli, procureur de Nîmes.
Les procureurs soulignent ainsi « l'urgence de leur donner les conditions d'exercer dignement leurs nombreuses missions ».
Ces conditions sont en premier lieu une « restauration de l'image de la fonction de procureur », entachée du « soupçon de dépendance à l'égard du pouvoir exécutif ». Pour cela, le rôle du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dans la nomination des magistrats du parquet doit être « plus important », son avis doit être « conforme » (contraignant) et non pas seulement consultatif, a précisé M. Gelli.
Ensuite, il faut remédier à « l'insécurité juridique » découlant de « la multiplication, l'avalanche, l'inflation de lois », qui « manquent parfois de cohérence », voire sont parfois « contradictoires ».
Enfin, les parquets ont besoin de plus de « moyens humains, matériels et financiers », a encore indiqué M. Gelli. En tant que procureur, a-t-il dit, « j'ai des angoisses, parce que je sais qu'un certain nombre de dossiers ne sont pas traités tout de suite ».
« Dans ces piles, j'ai peur qu'il y ait une affaire susceptible d'avoir des conséquences importantes... Et si demain une personne est tuée, qu'allez-vous dire ?», a-t-il lancé. « Vous direz : si on avait traité cette affaire, cela ne serait pas arrivé ! (...) Ce n'est pas une problématique éthérée... C'est la réalité quotidienne », a-t-il constaté.
Les procureurs soulignent que la France est le pays le plus pauvrement doté en procureurs de tout le continent européen. Une étude de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) a montré en 2008 que « le procureur français était en Europe investi des charges les plus lourdes et doté, pour les assurer, des moyens les plus faibles », est-il mentionné dans la résolution des procureurs. Il y avait alors en France trois procureurs pour 100 000 habitants, alors que la moyenne européenne était de 10,4, a précisé M. Gelli.
in : Mediapart
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