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LE PIGEON BLEU
4 septembre 2012

La peur de la misère

La peur de la misère touche 58% des enfants, selon une étude Ipsos pour le Secours populaire.

    Par CÉLIA LEBUR

«C’est logique de penser qu’un jour on sera pauvre, avec la crise et tout ça... C’est une angoisse normale.» La réflexion n'émane pas d’un précaire au chômage, mais de Juliette, 13 ans, bientôt élève en 4e. Le Secours populaire, qui présentait lundi son dernier baromètre Ipsos sur la précarité, intitulé la Pauvreté vue par les enfants, a décidé de compléter son enquête en interrogeant, pour la première fois, des enfants sur leur perception de la pauvreté (1). Rarement consultés, ils livrent pourtant un regard inédit sur la question, loin de la naïveté qu’on leur prête parfois. Ainsi, 58% d’entre eux déclarent avoir peur de devenir pauvre. «C’est très révélateur : les craintes des parents se projettent sur les enfants, ils ne sont pas épargnés», affirme Amandine Lama, chef de groupe à Ipsos.

Et pour cause, du côté des adultes interrogés, 37% affirment avoir déjà connu un jour une situation de pauvreté. Un chiffre jugé «préoccupant» qui progresse de deux points chaque année. «Ne perdons pas de vue que l’exclusion progresse en France», explique Julien Lauprêtre, président du Secours populaire. En 2011, l’association a distribué dans l’Hexagone un nombre record d’1,8 million de repas.

«Les enfants sont extrêmement conscients de la pauvreté qui les entoure», affirme encore Amandine Lama. Seuls 6% d’entre eux estiment qu’il n’y a pas beaucoup de pauvreté en France, contre 39% qui pensent l’inverse. C’est souvent à l'école, dans leur entourage proche, qu’ils constatent les difficultés des autres familles. Et dans ce cas, le premier marqueur de la pauvreté est aussi le plus visible : les vacances. «Quand je vais rentrer à l'école, je sais que mes copines vont me demander ce que j’ai fait cet été. Je sais aussi qu’il y en aura qui n’auront rien à dire car elles ne seront pas parties», explique Ciline, 14 ans.

«Ses parents n’ont pas de quoi lui payer des lunettes»

Pour sa petite sœur Mirane, l’accès aux soins en dit tout aussi long : «Dans ma classe, il y a un garçon qui se met toujours au premier rang parce qu’il ne voit pas bien. Quand on lui demande pourquoi il ne porte pas de lunettes, il répond qu’il les a oubliées à la maison. Mais moi, je sais que ses parents n’ont pas de quoi lui payer.»

Depuis quatre ans, elles font partie de Copain du monde. Le mouvement créé en 1992 par le Secours populaire donne aux enfants une place d’acteurs à part entière dans la solidarité. Histoire de conjurer la fatalité. Car si 86% d'entre eux pensent qu’on pourrait faire beaucoup de choses pour les gens pauvres, la plupart s’estiment trop petits pour passer à l’acte. Chaque semaine dans le 18e arrondissement de Paris, un petit groupe se réunit pour définir des projet collectifs, et venir en aide aux enfants dans le besoin. L’an dernier, ils ont choisi le Japon à cause du tsunami, et avant ça, des pays plus pauvres comme Gaza ou Haïti, pour reconstruire des écoles.

«Tombolas et braderie»

«On cible qui on veut aider. Mais en général, on répond à des situations d’urgence», explique Juliette. La collégienne au regard décidé aurait déjà une «sensibilité politique». «Je lis les journaux, je regarde la télé... Et puis ma mère est au PCF, donc ça aide.» La benjamine, Fadhila, a 8 ans. Elle a découvert l’existence du mouvement pendant ses cours de gym. C’est sa copine Mirane, d’origine tunisienne elle aussi, qui l’a convaincue de venir aux réunions. Collecte de fonds ou de vêtements, organisation de tombolas et de braderie, les enfants s’engagent ici dès le plus jeune âge.

Et tous sont d’accord sur une chose : depuis qu’ils font partie de Copain du monde, leur regard a changé sur la pauvreté. «Avant, quand je voyais des SDF, j’avais un peu peur, j’osais pas les regarder. Maintenant, ça ne me gêne plus, ça me choque, raconte Juliette. Comme ils sont par terre, ça les met en position d’infériorité face à nous, alors quand je suis toute seule et que je n’ai pas d’argent, je leur fais au moins un sourire. Je vois que ça les rend heureux.»

(1) 500 enfants de 8 à 14 ans ont été interrogés par Internet du 4 au 11 juillet 2012.

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