BOLIVIE : AVANCEES SUR LES BIENS COMMUNS ET LA REFORME CONSTITUTIONNELLE
Ce pays de 10 millions d’habitants est un des plus pauvres d’Amérique latine. Sa « capitale » |2| La Paz est située à 3 600 mètres d’altitude. Le pays comprend trois zones géographiques : une grande région montagneuse avec des plateaux situés au-dessus de 2 500 mètres d’altitude à la frontière avec le Pérou, le Chili et l’Argentine ; une plaine à basse altitude proche de l’Argentine, du Brésil et du Paraguay et une région amazonienne avec végétation luxuriante proche du Brésil. La plaine est riche en hydrocarbures et ses terres fertiles génèrent d’importants revenus d’exportation, notamment grâce au soja.
Le pays a connu une grande explosion révolutionnaire en 1952 qui a abouti à une réforme agraire, à la nationalisation des mines, à l’éducation publique gratuite et obligatoire ainsi qu’au suffrage universel. De 1971 à 1978, la Bolivie a vécu sous la férule du régime militaire du général Hugo Banzer. A partir de 1985, la Bolivie a été soumise aux pires politiques néolibérales. Pour venir à bout de 20 années de néolibéralisme, les mouvements sociaux boliviens ont mené de puissants et héroïques combats. Depuis fin 2005, pour la première fois de l’histoire bolivienne, un représentant de la majorité indienne de la population a été élu président.
Très affectée par la crise de la dette qui a explosé en 1982, la Bolivie a été soumise à un plan de choc néolibéral à partir de 1985 : privatisation des mines et du pétrole, réduction massive des salaires et de l’emploi, ouverture économique forcée, réduction des dépenses publiques. L’auteur intellectuel de ce plan d’ajustement structurel est l’économiste nord-américain Jeffrey Sachs qui a ensuite conçu le plan de choc appliqué en Russie puis s’est converti en adepte de l’annulation de la dette des pays pauvres, notamment des pays d’Afrique subsaharienne.
A partir de l’année 2000 et jusqu’à aujourd’hui, les luttes sociales ont été nombreuses et le peuple bolivien a joué un rôle d’avant-garde au niveau mondial en mettant au centre de l’agenda la lutte pour le contrôle public sur les biens communs : la lutte victorieuse contre la privatisation de l’eau à Cochabamba en avril 2000 et à El Alto en 2004-2005 ; la lutte pour la récupération du contrôle public sur le gaz en 2003 qui a conduit à la chute du président Gonzalo Sánchez de Lozada |3|.
Le contexte de la présidence d’Evo Morales
La majorité de la population est indienne : selon le recensement de 2001, 62% des Boliviens se considèrent comme faisant partie des populations natives indiennes, en majorité Quechuas et Aymaras. Dans la ville plébéienne d’El Alto (4 000 mètres d’altitude), située à la périphérie de La Paz, dont elle s’est autonomisée en 1985 sous l’effet de son explosion démographique, 80% des 850 000 habitants se considèrent comme indiens. La population indienne a été exclue du pouvoir central (présidence de la république et gouvernement) |4| jusqu’à l’élection fin 2005 d’Evo Morales, indien Aymara, dirigeant syndical paysan des producteurs de la feuille de coca, à la présidence de la république bolivienne. Depuis cette date, le MAS (Mouvement vers le Socialisme), parti d’Evo Morales, dispose d’une majorité à la Chambre des députés mais pas au Sénat dominé par la droite qui tente de bloquer toutes les réformes démocratiques et toutes les mesures favorables au peuple. La réforme constitutionnelle est au centre du débat et des combats politiques. Bien qu’également majoritaire à l’assemblée constituante, le MAS n’y dispose pas des deux tiers nécessaires à l’approbation des propositions de modification constitutionnelle.
En 2006, Evo Morales et son gouvernement ont décrété la nationalisation du pétrole et du gaz, ce qui est très apprécié par une grande majorité de la population. La mise en pratique de cette mesure prend du temps et cela a suscité des tensions dans le camp qui soutient Evo Morales. Néanmoins, le gouvernement a réussi à obtenir des multinationales qui opèrent dans le pays de verser une part beaucoup plus importante de leurs revenus au Trésor public, ce qui permet d’augmenter les dépenses sociales.
Les préfets des départements de Santa Cruz, Tarija, Beni et Pando, au service des capitalistes locaux (industriels, grands propriétaires fonciers et commerçants spécialisés dans l’import-export), font tout pour déstabiliser le régime d’Evo Morales : menace de sécession, refus d’appliquer des réformes, mobilisation de secteurs de la population financée par le patronat, campagne diffamatoire contre Evo Morales et son gouvernement. Les dirigeants du riche département de Santa Cruz se comportent comme les dirigeants de la Croatie lors de l’éclatement de la Yougoslavie au début des années 1990. A demi-mot, ils déclarent qu’ils ne veulent plus financer les provinces pauvres du pays et La Paz. Nous assistons au même jeu centrifuge au Venezuela avec l’Etat pétrolier de Zulia (dont la capitale est Maracaibo) qui menace aussi de se séparer du reste du pays, ainsi qu’en Equateur avec la province de Guayaquil (ville très riche du littoral tenue par la droite). Les déclarations de certains dirigeants de la droite sont carrément racistes. Le maire de Santa Cruz, Percy Fernández, a déclaré le 9 décembre 2007 : « Dans ce pays, bientôt, il faudra se peindre et se mettre des plumes pour exister ! » |5|...
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Éric Toussaint